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CSE : supprimez les conditions d’ancienneté avant le 31 décembre 2025

 

ancienneté bénéfice du CSE

Depuis les décisions de la Cour de cassation en 2024 et 2025, les activités sociales et culturelles (ASC) ne peuvent plus être réservées selon l’ancienneté des salariés.

L’URSSAF accorde un délai de tolérance jusqu’au 31 décembre 2025 pour que les CSE se mettent en conformité. Passé cette date, les sanctions tomberont.

Ce que dit la loi et la jurisprudence

Deux arrêts récents ont clarifié la situation :

  • Le 3 avril  2024, la Cour de cassation a interdit toute condition d’ancienneté pour bénéficier d’une activité sociale ou culturelle du CSE (n° 22‑16812).

  • Le 12 mars  2025, elle a étendu l’interdiction à toute différence de montant selon l’ancienneté (n° 23‑21223).

En clair : tous les salariés  doivent accéder aux ASC selon des critères objectifs et non discriminants.

De son côté, l’URSSAF s’est alignée sur cette position dans son Guide CSE 2025 : elle ne tolère plus la fameuse condition de six mois d’ancienneté qu’elle admettait auparavant.


Jusqu’au 31 décembre 2025 : période de tolérance

Les CSE disposent encore de quelques mois pour adapter leurs pratiques.

D’ici fin 2025, un contrôle URSSAF aboutira simplement à une demande de mise en conformité pour l’avenir.

Mais attention : à compter du 1ᵉʳ janvier 2026, toute condition d’ancienneté entraînera la perte des exonérations sociales sur les prestations concernées.

L’URSSAF pourra alors exiger un redressement de cotisations.

Quelles prestations sont visées ?

Sont concernées toutes les aides et avantages financés par le CSE, notamment :

  • les bons d’achatchèques-vacances et cadeaux en nature ;

  • les chèques culture (chèques-lire, chèques-disques, culturels) ;

  • les aides à la garde d’enfants ou aux services à la personne.

Si ces prestations ne sont pas attribuées à tout le personnel, elles ne seront plus exonérées.

Comment se mettre en conformité ?

Pour éviter tout risque, chaque CSE doit :

  • Supprimer toute référence à l’ancienneté dans ses règlements ou barèmes ;

  • Actualiser les formulaires et communications internes ;

  • Consigner la modification dans un procès-verbal de réunion ;

  • Informer tous les salariés pour assurer la transparence.

Il est aussi recommandé de revoir les critères d’attribution : les distinctions peuvent encore exister, à condition qu’elles reposent sur des éléments neutres, comme le temps de travail, la catégorie professionnelle, ou la situation familiale.

Des avantages soumis au forfait social dès 2026 ?

Forfait social 2026

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, déposé à l’Assemblée nationale le 14 octobre 2025, introduit une réforme majeure : plusieurs avantages salariés, jusqu’ici faiblement ou non taxés, seraient dorénavant soumis à un forfait social fixé à 8 %. Cette mesure vise à limiter certaines niches sociales tout en conservant un régime de faveur.

Quels avantages sont concernés ?

Le PLFSS 2026 cible en particulier :

  • La participation de l’employeur aux titres-restaurant (tickets-restaurant) pour la part exonérée des cotisations sociales et contributions CSG/CRDS.
  • La mise à disposition d’équipements sportifs collectifs et le financement de prestations sportives pour tous les salariés, pour leur fraction exonérée.
  • Les aides financières aux services à la personne ou à la garde d’enfants, qu’elles soient directes ou via préfinancement du CESU, dans la limite annuelle fixée (2 540 € en 2025).
  • La contribution de l’employeur aux chèques-vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés et sans CSE compétent pour les activités sociales et culturelles, pour la part exonérée.
  • Les contributions au financement d’activités ou de services sociaux et culturels comme les bons d’achat ou cadeaux, selon l’article L. 2312‑81 du Code du travail.

Ces avantages, jusqu’alors perçus par les salariés comme un complément de rémunération attractif, bénéficiaient d’un régime social particulièrement avantageux, allant parfois jusqu’à l’exonération totale de cotisations sociales.

Objectif et portée de la réforme

L’objectif affiché du gouvernement est de rééquilibrer l’effort de solidarité tout en préservant l’attractivité des packages de rémunération. L’application de ce forfait social de 8 % se veut limitée à la fraction des avantages non soumise à cotisations sociales classiques, maintenant ainsi un cadre fiscal avantageux, mais moins coûteux pour la Sécurité sociale.

La mise en œuvre de cette mesure est prévue au 1er janvier 2026 pour toutes les contributions afférentes aux périodes d’emploi courant à compter de cette date.

Déroulement législatif et incertitudes

Le texte, qui a amorcé son parcours parlementaire à l’Assemblée nationale en octobre 2025, doit franchir plusieurs étapes : examen en commission, séances publiques, passage devant le Sénat, puis éventuellement devant le Conseil constitutionnel si nécessaire. L’évolution du texte dépendra des débats parlementaires et d’éventuels amendements, dans un contexte politique complexe : l’usage de l’article 49.3 par le Gouvernement est écarté, ouvrant la voie à de possibles modifications substantielles du texte initial.

Conclusion

La réforme portée par le PLFSS 2026 marque une évolution significative du régime social applicable à de nombreux avantages salariés. Si le forfait social de 8 % ne remet pas en cause l’intérêt de ces dispositifs, il pourrait en modifier l’équilibre économique pour les employeurs et indirectement pour les salariés.

Pour consulter le texte officiel du projet de loi et suivre les évolutions législatives, rendez-vous sur la page de l’Assemblée nationale : Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026.

 

Individualisation de la Sanction Disciplinaire

Sanctions disciplinaires

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2025 (pourvoi n° 23-22.456) réaffirme un principe fondamental du droit disciplinaire : l’employeur dispose d’un pouvoir d’individualisation des sanctions disciplinaires. Cette décision confirme qu’une même faute commise par plusieurs salariés peut légitimement donner lieu à des sanctions différenciées, sans constituer pour autant une discrimination prohibée.​

Dans cette affaire, trois travailleuses familiales d’une association d’aide à l’enfance avaient tardé à signaler des suspicions d’abus sexuels sur mineurs. Deux d’entre elles furent licenciées pour faute grave, tandis que la troisième ne reçut qu’un avertissement. La salariée licenciée contestait cette différence de traitement, invoquant une discrimination ​

Les fondements juridiques de l’individualisation

L’origine jurisprudentielle du pouvoir d’individualisation

Le pouvoir d’individualisation des sanctions disciplinaires constitue une prérogative reconnue de longue date à l’employeur par la jurisprudence. L’arrêt fondateur du 15 mai 1991 avait posé les premiers jalons de cette doctrine en admettant qu’un employeur puisse licencier certains grévistes pour faute lourde tout en se contentant d’infliger une mise à pied disciplinaire à d’autres participants aux mêmes actes

Cette jurisprudence a été constamment réaffirmée, la Cour de cassation précisant que le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de l’article L. 1132-1 du Code du travail​

Les modalités d’exercice du pouvoir d’individualisation

L’individualisation peut prendre diverses formes dans son application pratique ​

  • L’employeur peut choisir de prononcer des sanctions de gravité différente à l’encontre de salariés ayant commis des faits identiques, allant du simple avertissement au licenciement pour faute grave ou lourde

  • Il peut également décider de ne sanctionner que certains salariés tout en épargnant d’autres participants à la même faute​

  • Cette liberté s’étend même aux situations où l’employeur renonce à licencier un salarié protégé bien qu’ayant obtenu l’autorisation administrative​

Les conditions d’exercice légitime de l’individualisation

L’exigence de critères objectifs

L’arrêt du 17 septembre 2025 illustre parfaitement la nécessaire justification objective des différences de traitement. La Cour de cassation a validé la différenciation des sanctions en relevant des éléments factuels distincts : la salariée moins sévèrement sanctionnée ne suivait plus la famille concernée depuis septembre 2019 et ne pouvait donc être tenue responsable du défaut de signalement des éléments apparus en janvier et février 2020​

Les critères objectifs de différenciation reconnus

La jurisprudence a identifié plusieurs critères pouvant justifier une individualisation des sanctions ​

  • L’ancienneté respective des salariés constitue un facteur légitime de différenciation

  • Les comportements respectifs lors de la commission des faits fautifs

  • Le degré d’implication dans les faits reprochés

  • La fonction occupée par chacun des salariés

  • Le passé disciplinaire ou professionnel du salarié​

  • Les circonstances particulières entourant chaque situation individuelle

Les limites au pouvoir d’individualisation

L’interdiction des discriminations prohibées

Le pouvoir d’individualisation trouve sa première limite dans l’interdiction absolue des discriminations fondées sur les critères prohibés par l’article L. 1132-1 du Code du travail. Cette disposition interdit notamment toute sanction fondée sur l’origine, le sexe, les mœurs, la situation de famille, les opinions politiques, l’appartenance syndicale, l’âge, l’apparence physique, les convictions religieuses, l’état de santé ou le handicap.​

La jurisprudence veille strictement au respect de cette prohibition, exigeant que les différences de traitement reposent sur des éléments objectifs et légitimes.​

L’absence de détournement de pouvoir

L’exercice du pouvoir d’individualisation ne doit pas procéder d’un détournement de pouvoir de la part de l’employeur. Cette condition impose que l’utilisation différenciée du pouvoir disciplinaire soit guidée par l’intérêt de l’entreprise et non par des considérations personnelles telles que l’animosité ou la vengeance.​

Toutefois, la charge de la preuve du détournement de pouvoir repose entièrement sur le salarié qui l’invoque. Cette exigence probatoire constitue une protection significative pour l’employeur, le salarié devant démontrer que la différence de traitement procède de motivations illégitimes.​

L’évolution vers une plus grande liberté patronale

L’assouplissement des exigences jurisprudentielles

La jurisprudence a considérablement assoupli les conditions d’exercice du pouvoir d’individualisation depuis les arrêts fondateurs de 1991. Initialement, la Cour de cassation exigeait que l’employeur justifie les critères retenus pour opérer une différence de sanction. Cette obligation a progressivement été abandonnée, les arrêts ultérieurs n’imposant plus à l’employeur de motiver systématiquement ses choix disciplinaires.​

Le maintien des garde-fous essentiels

Malgré cette libéralisation, certains garde-fous demeurent pour protéger les droits fondamentaux des salariés :​

  • L’interdiction des discriminations prohibées reste absolue et constitue une limite infranchissable

  • L’exigence d’absence de détournement de pouvoir, bien que d’application pratique limitée, conserve sa fonction protectrice

  • Le principe de proportionnalité continue de s’appliquer​

Les enseignements pratiques de l’arrêt

Les bonnes pratiques pour l’employeur

L’arrêt du 17 septembre 2025 enseigne aux employeurs plusieurs bonnes pratiques :​

  1. Documenter les différences factuelles entre les situations individuelles

  2. S’appuyer sur des critères objectifs et professionnels

  3. Éviter toute référence aux critères discriminatoires prohibés

  4. Justifier les décisions par l’intérêt de l’entreprise

Les droits du salarié sanctionné

Pour le salarié qui conteste une différence de traitement disciplinaire, l’arrêt rappelle que :​

  • La simple différence de sanction ne constitue pas en soi une discrimination

  • Il appartient au salarié de prouver le caractère discriminatoire ou le détournement de pouvoir

  • Les circonstances factuelles distinctes peuvent légitimement justifier des sanctions différenciée