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Licenciement et indemnité de dédit-formation

Dans un arrêt du 17 septembre 2025, la Cour de cassation a clarifié définitivement une question qui divisait la jurisprudence : l’indemnité de dédit-formation ne peut jamais être exigée en cas de licenciement, même lorsqu’il est prononcé pour faute grave. Cette décision marque un tournant dans l’interprétation des clauses de dédit-formation et renforce la protection des salariés face aux tentatives de récupération des frais de formation par les employeurs.

La clause de dédit-formation, devenue courante dans les entreprises investissant massivement dans la formation de leurs salariés, trouve désormais ses limites clairement définies. Cette jurisprudence établit une distinction nette entre l’initiative de la rupture du contrat de travail et son imputabilité, confirmant que seule la première compte pour l’application de ces clauses contractuelles.

La clause de dédit-formation : principe et conditions de validité

Définition et objectif de la clause de dédit-formation

La clause de dédit-formation est une stipulation contractuelle par laquelle le salarié s’engage à rester dans l’entreprise pendant une durée déterminée après avoir bénéficié d’une formation financée par l’employeur. En contrepartie de cet investissement formatif, le salarié accepte de rembourser tout ou partie des frais engagés s’il quitte l’entreprise avant l’échéance prévue.

Cette clause présente un double objectif : d’une part, elle permet à l’employeur de sécuriser son investissement en formation et d’amortir les coûts engagés ; d’autre part, elle constitue un mécanisme incitatif pour fidéliser les salariés ayant bénéficié de formations qualifiantes.

Les conditions légales de validité

Pour être valable, la clause de dédit-formation doit respecter des conditions strictes établies par la jurisprudence :

L’écrit préalable : La clause doit être signée avant le début de la formation et faire l’objet d’une convention particulière précisant la nature, la durée, le coût réel de la formation ainsi que les modalités de remboursement.

La proportionnalité : L’indemnité prévue doit être proportionnée aux frais réellement engagés par l’employeur, excluant les rémunérations perçues pendant la formation. Les coûts pris en compte ne peuvent inclure que les dépenses supplémentaires dépassant les obligations légales ou conventionnelles de l’employeur.

La préservation du droit de démissionner : La clause ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de sa faculté de démissionner. Sa durée et son montant doivent rester raisonnables.

Les formations concernées et exclues

La clause de dédit-formation ne peut s’appliquer qu’aux formations dont le coût dépasse les dépenses légales ou conventionnelles imposées à l’employeur. Sont notamment exclues les formations relevant du plan de développement des compétences obligatoires, celles financées par les OPCO, les collectivités territoriales ou l’État.

Le Code du travail interdit expressément l’application de ces clauses aux salariés en contrat de professionnalisation, reconnaissant la nature formatrice inhérente de ce type de contrat.

L’arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2025 : une jurisprudence clarifiée

Les faits de l’espèce

L’affaire jugée par la Cour de cassation concernait un salarié, personnel navigant technique d’une compagnie aérienne polynésienne, qui avait bénéficié d’une formation qualifiante d’un coût supérieur à 3,9 millions de francs CFP. Son contrat de travail prévoyait le remboursement proratisé de la formation « en cas de rupture de son fait »

Licencié pour faute grave, le salarié s’est vu retenir 400 000 francs CFP sur son dernier salaire au titre de l’indemnité de dédit-formation. L’employeur justifiait cette retenue en considérant que la faute grave rendait la rupture imputable au salarié, activant ainsi la clause contractuelle.

La position des juges d’appel

Dans un premier temps, la cour d’appel avait validé cette retenue, estimant que le licenciement pour faute grave rendait le salarié responsable de la rupture du contrat de travail. Cette interprétation s’appuyait sur l’idée que la faute commise par le salarié constituait la cause directe de son licenciement.

Cette position reflétait une certaine confusion jurisprudentielle qui persistait depuis un arrêt de 2005 où la Cour de cassation avait semblé admettre l’application d’une clause de dédit-formation en cas de licenciement pour faute grave.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, réaffirmant avec force que « une clause de dédit-formation ne peut être mise en œuvre lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur ». Elle précise que même si la faute rend la rupture imputable au salarié, l’initiative en revient à l’employeur, ce qui suffit à écarter l’application de la clause.

Cette décision établit définitivement que l’initiative prime sur l’imputabilité dans l’application des clauses de dédit-formation. Peu importe que le comportement du salarié ait justifié le licenciement : dès lors que l’employeur prend l’initiative de rompre le contrat, la clause devient inapplicable.

Initiative vs imputabilité : une distinction fondamentale

La différence entre initiative et imputabilité de la rupture

La jurisprudence de 2025 consacre une distinction conceptuelle majeure entre deux notions souvent confondues : l’initiative de la rupture et son imputabilité. L’initiative désigne la partie qui décide effectivement de mettre fin au contrat de travail, tandis que l’imputabilité concerne la responsabilité des circonstances ayant conduit à cette rupture.

Dans le cas d’un licenciement pour faute grave, l’imputabilité peut certes être attribuée au salarié en raison de son comportement fautif, mais l’initiative de la rupture reste entièrement du côté de l’employeur qui décide de licencier. Cette distinction évite toute instrumentalisation de la clause de dédit-formation comme moyen de récupération financière déguisé.

Les cas d’application de la clause de dédit-formation

La clause de dédit-formation ne peut s’appliquer que lorsque la rupture émane de l’initiative du salarié. Les situations concernées incluent :

  • La démission classique du salarié

  • La rupture de la période d’essai à l’initiative du salarié

  • La prise d’acte de la rupture produisant les effets d’une démission

  • La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur mais à la demande du salarié, si elle produit les effets d’une démission

Dans tous ces cas, le salarié assume pleinement sa décision de quitter l’entreprise, justifiant l’activation de la clause de dédit-formation selon les modalités contractuelles prévues.

Les situations d’exclusion

Inversement, la clause ne peut jamais s’appliquer lorsque la rupture est à l’initiative de l’employeur, quelles que soient les circonstances :

  • Tous types de licenciement (économique, personnel, pour faute simple, grave ou lourde)

  • La rupture conventionnelle, considérée comme une rupture d’un commun accord n’étant imputable à aucune des parties

  • La résiliation judiciaire aux torts du salarié mais prononcée par le juge

Cette jurisprudence protège efficacement les salariés contre les tentatives de contournement par des employeurs qui chercheraient à récupérer leurs investissements formation par le biais de licenciements stratégiques.

Conséquences pratiques pour les employeurs et les salariés

Impact sur la rédaction des clauses de dédit-formation

Cette jurisprudence impose une révision complète des pratiques contractuelles. Les employeurs ne peuvent plus espérer récupérer leurs investissements formation par le biais de licenciements, même justifiés par des fautes graves. Les clauses de dédit-formation doivent désormais être rédigées en acceptant cette limitation fondamentale.

Certains praticiens s’interrogent néanmoins sur la possibilité de rédiger des clauses prévoyant expressément l’application en cas de licenciement pour faute. Cependant, la fermeté de l’arrêt de 2025 suggère que même une stipulation contractuelle explicite ne pourrait contourner ce principe jurisprudentiel

Recommandations pour les employeurs

Face à cette jurisprudence, les employeurs doivent repenser leur stratégie de sécurisation des investissements formation. Plusieurs recommandations s’imposent :

Sélection rigoureuse des bénéficiaires : L’investissement formation devenant moins sécurisé juridiquement, une évaluation préalable approfondie du potentiel de fidélisation des salariés devient cruciale.

Diversification des mécanismes de fidélisation : Les employeurs peuvent développer d’autres outils de rétention (évolution de carrière, rémunération attractive, conditions de travail optimisées) complémentaires à la formation.

Optimisation de la durée des clauses : Les clauses de dédit-formation doivent être calibrées pour maximiser leur efficacité dissuasive tout en respectant les principes de proportionnalité.

Cette évolution jurisprudentielle s’inscrit dans une logique de protection du salarié et de promotion de la formation professionnelle, en évitant que les investissements formatifs ne deviennent des instruments de contrainte excessive. Les employeurs doivent désormais intégrer cette limitation dans leur stratégie de gestion des ressources humaines

Réforme du Suivi Médical Renforcé au 1er Octobre 2025

Suivi individuel médical renforcé

À compter du 1er octobre 2025, certains salariés ne sont plus soumis au suivi individuel renforcé de leur état de santé. Cette évolution majeure, introduite par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025, concerne spécifiquement les travailleurs dont le poste requiert une autorisation de conduite ou une habilitation électrique, à condition qu’ils ne soient pas exposés à d’autres risques particuliers justifiant le maintien dans ce dispositif.

 

Le suivi médical en santé au travail vise à prévenir toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail. Il s’adapte en fonction des risques liés au poste. Avant cette réforme, le dispositif le plus protecteur était le Suivi Individuel Renforcé (SIR), qui a succédé à l’ancien Suivi Médical Renforcé (SMR) suite à la loi du 8 août 2016.

Les objectifs historiques du Suivi Médical Renforcé

Le SIR a été conçu pour les salariés affectés à des postes présentant des risques particulièrement élevés pour leur santé ou leur sécurité, ou pour celles de tiers. Son cadre légal, antérieur à la réforme, imposait un suivi strict :

  • Un examen médical d’aptitude réalisé par le médecin du travail avant l’affectation au poste.
  • Une périodicité maximale de 4 ans entre deux examens médicaux, avec une visite intermédiaire effectuée par un professionnel de santé au plus tard 2 ans après la visite avec le médecin du travail.
  • La délivrance d’un avis d’aptitude, document indispensable pour que l’employeur puisse maintenir le salarié à son poste à risque.

Ce dispositif concernait notamment les travailleurs exposés à des agents chimiques dangereux (amiante, plomb, agents CMR), à certains risques physiques (rayonnements ionisants, risque hyperbare) ou à des risques de chutes de hauteur lors de montages d’échafaudages. Y étaient également inclus les salariés nécessitant une habilitation électrique ou une autorisation de conduite, catégorie désormais au cœur de la nouvelle réforme.

Décryptage du décret n° 2025-355 du 18 avril 2025

Le pivot de la réforme du suivi médical est le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025, relatif au suivi individuel de l’état de santé des travailleurs ainsi qu’à l’autorisation de conduite et aux habilitations électriques. Ce texte réglementaire, publié au Journal Officiel le 19 avril 2025, fixe les nouvelles règles applicables à compter du 1er octobre 2025.

Son objectif est d’optimiser les ressources médicales en santé au travail en concentrant le Suivi Individuel Renforcé (SIR) sur les salariés les plus exposés, tout en adaptant les modalités de suivi pour d’autres catégories de travailleurs.

Les nouvelles dispositions juridiques

La mesure centrale du décret est de sortir certaines catégories de salariés du champ du SIR. Pour ces travailleurs, l’avis d’aptitude périodique est remplacé par un nouveau document : une attestation d’absence de contre-indications médicales.

Caractéristiques de la nouvelle attestation :

  • Délivrance : Elle est établie par le médecin du travail à l’issue d’un examen médical spécifique.
  • Validité : Sa durée de validité est fixée à cinq ans, allongeant considérablement l’échéance par rapport à l’ancien SIR (qui imposait un renouvellement tous les quatre ans maximum).
  • Formalisme : Les modèles précis de cette attestation sont fixés par un arrêté complémentaire, l’arrêté du 26 septembre 2025, garantissant une harmonisation des pratiques.

En cas de refus de délivrance de cette attestation par le médecin du travail, le décret prévoit une voie de recours. L’employeur ou le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes, qui statue selon une procédure accélérée.

Articles du Code du travail impactés

Le décret modifie directement plusieurs articles clés du Code du travail pour intégrer ce nouveau dispositif. Les principaux articles concernés sont ceux régissant l’autorisation de conduite et l’habilitation électrique.

Article modifié Objet de la modification Nouveau régime au 1er octobre 2025
Article R. 4323-56 Autorisation de conduite pour certains équipements de travail (grues, chariots, PEMP, etc.). La délivrance de l’autorisation de conduite par l’employeur est désormais subordonnée à la présentation par le salarié de l’attestation quinquennale d’absence de contre-indications.
Article R. 4544-9 Habilitation pour les opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage. L’habilitation du travailleur par l’employeur est conditionnée à la détention de cette même attestation médicale.
Obligation de l’employeur Détails et références
Vérification Avant de délivrer une autorisation de conduite ou une habilitation électrique, l’employeur doit s’assurer que le salarié détient une attestation en cours de validité.
Conservation L’employeur doit conserver une copie de l’attestation. Ce document doit être tenu à la disposition de l’inspection du travail et des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.
Suivi des échéances Il incombe à l’employeur de suivre la date d’expiration de chaque attestation (cinq ans après sa délivrance) pour s’assurer que le salarié effectue un nouvel examen médical avant l’échéance.

Ces modifications créent une distinction nette : l’aptitude au poste, évaluée dans le cadre général du suivi médical, et l’absence de contre-indication à une tâche spécifique (conduire ou réaliser des opérations électriques), validée par cette nouvelle attestation.

Période transitoire et portée de la réforme

Le décret organise une transition pour les salariés déjà suivis en SIR. Les avis d’aptitude délivrés avant le 1er octobre 2025 restent valables et tiennent lieu d’attestation jusqu’à leur date d’échéance, dans une limite maximale de cinq ans après leur délivrance. Cette mesure permet une mise en place progressive de la réforme sans remettre en cause immédiatement les suivis en cours.

La portée du décret est donc ciblée : il ne supprime pas le SIR, mais le réserve aux postes présentant des risques avérés autres que la seule nécessité d’une autorisation de conduite ou d’une habilitation électrique. Les salariés exposés à des agents chimiques dangereux (CMR), au risque hyperbare ou à l’amiante, par exemple, demeurent sous le régime du Suivi Individuel Renforcé classique.

Catégories de salariés désormais exonérées

 

À compter du 1er octobre 2025, le Suivi Individuel Renforcé (SIR) n’est plus systématique pour deux grandes catégories de salariés, à condition que leur poste n’implique pas d’autres risques spécifiques justifiant ce régime (comme l’exposition à l’amiante ou aux agents CMR). La réforme cible précisément les travailleurs dont les missions exigent une autorisation de conduite ou une habilitation électrique.

L’objectif de cette mesure, introduite par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025, est de réallouer les ressources de la médecine du travail vers les risques les plus élevés, en considérant que pour ces deux catégories, un examen initial approfondi est plus pertinent qu’un suivi périodique intensif.

Salariés nécessitant une autorisation de conduite

La première catégorie de salariés sortant du SIR regroupe tous ceux dont la mission impose la conduite d’équipements de travail mobiles automoteurs et d’équipements de levage. Pour ces postes, l’employeur doit délivrer une autorisation de conduite, qui sera désormais conditionnée par la présentation d’une attestation quinquennale d’absence de contre-indications médicales.

Équipements de travail concernés :

Cette exemption concerne une large gamme d’engins couramment utilisés dans des secteurs comme le BTP, la logistique, l’industrie ou l’événementiel. La liste inclut notamment :

  • Les chariots automoteurs de manutention à conducteur porté (par exemple, les chariots élévateurs de type CACES® R489).
  • Les Plates-formes Élévatrices Mobiles de Personnes (PEMP), aussi connues sous le nom de nacelles (CACES® R486).
  • Les grues mobiles (CACES® R483) et les grues à tour (CACES® R487).
  • Les engins de chantier télécommandés ou à conducteur porté (CACES® R482), comme les pelles hydrauliques, les chargeuses ou les bouteurs.
  • Les ponts roulants et portiques.

Il est important de noter que cette exemption ne s’applique pas aux tracteurs agricoles et forestiers, qui suivent leur propre réglementation. Pour tous les autres équipements listés, le suivi périodique renforcé est remplacé par l’examen unique aboutissant à l’attestation valable cinq ans.

Salariés titulaires d’une habilitation électrique

La seconde catégorie de salariés exonérés du SIR est celle des travailleurs qui doivent être titulaires d’une habilitation électrique pour effectuer leurs missions en toute sécurité. L’habilitation, délivrée par l’employeur, reconnaît la capacité d’un salarié à accomplir des tâches d’ordre électrique ou non électrique dans un environnement à risque électrique.

Opérations électriques visées par l’exemption :

Le décret cible spécifiquement les salariés habilités pour réaliser des opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage, comme défini par le Code du travail.

  • Travaux sous tension : Il s’agit des opérations où le travailleur entre en contact direct avec des pièces nues sous tension.
  • Travaux au voisinage de pièces nues sous tension : Ces opérations sont réalisées dans une zone où le risque de contact accidentel avec une pièce sous tension est élevé.

Pour ces salariés, l’habilitation délivrée par l’employeur sera, elle aussi, conditionnée par la présentation de l’attestation médicale d’absence de contre-indications, valable cinq ans. Cela concerne un grand nombre de professionnels, des électriciens de maintenance aux techniciens intervenant sur des réseaux ou des armoires électriques.

En résumé, si le seul risque particulier justifiant le SIR pour un salarié était la nécessité de conduire un engin ou d’être habilité électriquement, ce salarié basculera automatiquement vers un suivi adapté (SIA) au 1er octobre 2025, avec l’obligation de détenir l’attestation médicale adéquate.

Nouvelles obligations et attestation médicale

La réforme du 1er octobre 2025 remplace le Suivi Individuel Renforcé (SIR) pour certains salariés par un dispositif plus souple : une attestation d’absence de contre-indications médicales. Ce nouveau document, au cœur du décret n° 2025-355, modifie en profondeur les obligations de suivi pour les employeurs et les salariés concernés.

Ce système vise à certifier la capacité médicale d’un travailleur à effectuer des tâches spécifiques (conduite ou habilitation électrique) via un examen unique, dont la validité est étendue à cinq ans.

La procédure de délivrance de l’attestation

L’obtention de cette attestation suit un parcours médical et administratif précis, initié avant l’affectation du salarié à un poste nécessitant une autorisation de conduite ou une habilitation électrique.

L’examen médical par le médecin du travail

Le point de départ est un examen médical réalisé exclusivement par le médecin du travail. Contrairement aux visites périodiques du SIR, cet examen a pour unique objectif de vérifier l’absence de conditions médicales incompatibles avec les tâches de conduite ou les opérations électriques visées.Le médecin du travail évalue l’aptitude du salarié en se basant sur les risques spécifiques de la fonction. À l’issue de cet examen, il délivre l’attestation au salarié.

Le formalisme de l’attestation

Pour garantir l’uniformité sur le territoire national, le contenu et le format de ce document sont strictement encadrés. L’arrêté du 26 septembre 2025 a fixé les modèles officiels que les services de prévention et de santé au travail doivent utiliser.L’attestation doit notamment mentionner :

  • L’identité du salarié et du médecin du travail.
  • La nature de la tâche visée (conduite d’équipements spécifiques ou habilitation électrique).
  • La confirmation de l’absence de contre-indications médicales.
  • Sa date de délivrance et sa durée de validité de cinq ans.

Obligations de l’employeur : conservation et suivi

 

Avec ce nouveau dispositif, les responsabilités de l’employeur évoluent. Il n’est plus question de s’assurer du renouvellement d’un avis d’aptitude tous les quatre ans, mais de gérer la validité de cette nouvelle attestation quinquennale.

Que faire en cas de refus de délivrance ?

Si le médecin du travail estime qu’il existe une contre-indication et refuse de délivrer l’attestation, le salarié ne peut pas être affecté au poste concerné. Le décret prévoit une procédure de contestation pour l’employeur ou le salarié.La partie qui souhaite contester la décision du médecin du travail peut saisir le conseil de prud’hommes. Celui-ci statue en urgence selon une procédure accélérée pour confirmer ou infirmer la décision médicale.

 

En sortant ces catégories du SIR, l’objectif est de permettre aux médecins du travail de concentrer leur temps et leur expertise sur la prévention primaire et le suivi des salariés exposés à des risques jugés plus complexes ou plus lourds, comme les agents chimiques dangereux (CMR), l’amiante ou le risque hyperbare. La réforme vise donc un meilleur ciblage du suivi en fonction de la nature réelle des risques professionnels.

Opportunités : quels avantages pour les entreprises et les salariés ?

Cet allègement procédural génère des bénéfices notables, tant pour les employeurs que pour les travailleurs concernés, bien qu’il appelle également à une certaine vigilance.

Pour les entreprises :

  • Simplification administrative : Le passage d’un suivi périodique (tous les 4 ans maximum) à une attestation valable cinq ans réduit la charge de planification et de suivi des visites médicales.
  • Optimisation du temps de travail : Moins de visites médicales obligatoires signifie moins d’absences des salariés pour ce motif, optimisant ainsi le temps de production.
  • Recentrage sur la prévention : Les services de santé au travail, plus disponibles, peuvent renforcer leurs actions de prévention directement en entreprise (études de poste, sensibilisation, etc.), en cohérence avec l’évaluation des risques.

Pour les salariés :

  • Moins de contraintes : La fréquence réduite des examens médicaux obligatoires allège l’emploi du temps des salariés concernés.
  • Une vigilance accrue sur l’aptitude : La réforme crée une distinction entre l’aptitude générale au poste de travail et l’absence de contre-indication à une fonction précise. Cela peut soulever des questions sur la gestion de l’aptitude globale d’un salarié en cas de problème de santé survenant entre deux échéances quinquennales, un point qui nécessitera un dialogue attentif avec le service de santé au travail.

Pour les employeurs, cette transition implique une adaptation des processus de suivi et une vigilance accrue sur la gestion des nouvelles attestations.

 

Report congés payés maladie : arrêt Cour cassation 2025

DDADUE maladie

La Cour de cassation a rendu le 10 septembre 2025 un arrêt marquant qui bouleverse fondamentalement la gestion des congés payés en France. Dans cette décision historique, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire reconnaît désormais le droit pour un salarié tombant malade pendant ses congés payés de les reporter ultérieurement.

Nous avions déja évoqué cette situation dans notre article du 20 juillet 2025 : https://formulepaie.fr/arret-maladie-pendant-un-conge-une-situation-a-eclaircir/

Cette évolution jurisprudentielle met fin à une position constante depuis 1996, selon laquelle « le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés est réputé avoir pris ses congés payés et ne peut prétendre ni à une prolongation de son congé ni à un report des congés payés correspondant à la période d’arrêt de travail ».

Désormais, le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie, sous réserve que l’arrêt soit notifié à l’employeur.

L’articulation complexe avec la loi DDADUE du 22 avril 2024

Les apports complémentaires de la loi DDADUE

La loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) avait déjà partiellement aligné le droit français sur les exigences européennes. Cette réforme a introduit des règles précises d’acquisition des congés payés pendant les arrêts de travail.

Pour les maladies non professionnelles : acquisition de 2 jours ouvrables par mois (soit 24 jours maximum par an), contre 2,5 jours en temps normal. Cette limitation représente 80% des droits habituels, dans le respect du minimum européen de 4 semaines.

Pour les accidents du travail et maladies professionnelles : maintien de l’acquisition de 2,5 jours ouvrables par mois sans limitation de durée

Une lacune comblée par la jurisprudence

Cependant, la loi DDADUE était restée silencieuse sur le sort des congés payés lorsque la maladie survient pendant leur prise effective. L’arrêt du 10 septembre 2025 comble cette lacune en consacrant le principe du report, avec une période maximale de 15 mois prévue par la loi DDADUE.

Cette articulation crée un système cohérent où les salariés peuvent à la fois acquérir des congés pendant leur maladie et les reporter s’ils tombent malades pendant leurs vacances, garantissant ainsi un repos effectif conforme aux exigences européennes.

La pression européenne : une mise en demeure déterminante

La procédure d’infraction du 18 juin 2025

L’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans un contexte de forte pression européenne. Le 18 juin 2025, la Commission européenne a adressé une lettre de mise en demeure à la France pour manquement aux règles de l’Union européenne sur le temps de travail. La Commission reprochait à la France de ne pas garantir « que les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie

Cette procédure d’infraction, basée sur la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, donnait à la France un délai de deux mois pour se conformer au droit européen. L’arrêt du 10 septembre, rendu dans ce délai critique, constitue une réponse directe à cette mise en demeure.

La jurisprudence européenne comme référence

La Cour de cassation s’appuie explicitement sur l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE et la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne. Notamment l’arrêt Anged du 21 juin 2012 (C-78/11), qui précise que « le moment où est survenue ladite incapacité est dépourvu de pertinence », qu’elle survienne avant ou pendant le congé

Implications majeures pour les services des ressources humaines

Adaptation organisationnelle immédiate ?

Les départements RH font face à des défis opérationnels considérables. L’obligation d’accepter le report devient immédiate, nécessitant une révision complète des procédures internes. Les entreprises doivent notamment adapter leurs logiciels de paie et de gestion des temps et activités (GTA) pour intégrer automatiquement cette nouvelle règle.

Faut il pour autant, se précipiter pour donner raison à toute demande d’un salarié, en l’absence d’une réglementation clairemment définie par le code du travail ?

Certainemement pour éviter un contentieux mais l’adaptation organisationnelle globale doit s’effectuer sur une base réglementaire solide et pérenne.

La formation des équipes RH deviendra alors nécessaire pour maîtriser les subtilités de cette évolution, notamment la distinction entre les différents types d’arrêts et leurs conséquences sur les droits à congés. Le suivi renforcé des notifications d’arrêts maladie pendant les congés constitue également un enjeu majeur, la notification à l’employeur étant la condition sine qua non du droit au report

Risques contentieux et gestion des régularisations

Les services RH doivent anticiper un risque accru de litiges. Les salariés peuvent désormais contester tout refus ou omission de report en s’appuyant sur la jurisprudence européenne et française. Certains salariés pourraient également introduire des demandes de rappels de congés payés dans un cadre amiable ou contentieux.

La gestion des demandes de régularisation rétroactives représente un défi particulier. Bien que la loi DDADUE prévoie un délai de forclusion de deux ans à compter de sa publication, les entreprises doivent se préparer à traiter des demandes concernant des périodes antérieures

Communication et accompagnement du changement

Les RH devront mettre en place une communication transparente aux salariés sur leurs nouveaux droits, tout en expliquant les modalités pratiques d’exercice de ces droits. Cette communication doit être particulièrement soignée pour éviter les incompréhensions et les contentieux.

La stratégie de limitation du pouvoir exécutif

Une volonté affichée de tempérer les effets

Face aux implications financières considérables de cette évolution jurisprudentielle, le pouvoir exécutif a développé une stratégie de limitation des effets. Cette approche s’est concrétisée dès l’avis du Conseil d’État du 13 mars 2024, sollicité par le Premier Ministre Gabriel Attal

Le Conseil d’État a validé la possibilité de limiter à 4 semaines par an les congés payés acquis par un salarié en arrêt maladie d’origine non professionnelle, soit 80% des droits normaux. Cette limitation s’appuie sur le fait que la directive européenne n’impose qu’un minimum de 4 semaines, alors que le droit français prévoit 5 semaines

Les garde-fous de la loi DDADUE

La loi du 22 avril 2024 a intégré plusieurs mécanismes de limitation :

Plafonnement des acquisitions : 2 jours ouvrables par mois pour les maladies non professionnelles, contre 2,5 en temps normal.

Délai de forclusion : fixation d’une période de 2 ans pour introduire des actions concernant des périodes antérieures au 1er décembre 2009

Report limité : période maximale de 15 mois pour exercer le droit au report

Une distinction assumée entre types d’arrêts

Le gouvernement maintient une différenciation entre les accidents du travail/maladies professionnelles (2,5 jours par mois) et les maladies simples (2 jours par mois). Cette distinction, validée par le Conseil d’État, vise à équilibrer protection sociale et soutenabilité économique pour les entreprises

Perspectives d’évolution et enjeux futurs

Vers une modification législative nécessaire

Bien que l’arrêt du 10 septembre réponde partiellement à la mise en demeure européenne, une modification du Code du travail semble inévitable. Le législateur devra explicitement consacrer le droit au report des congés en cas de maladie pendant leur prise, en définissant précisément les modalités d’exercice et les conditions.

L’impact sur la compétitivité des entreprises

Cette évolution soulève des interrogations sur l’impact économique pour les employeurs, particulièrement les TPE et PME. Les organisations patronales, notamment le Syndicat des indépendants, alertent sur les risques de « destruction de l’emploi ». La délégation aux entreprises du Sénat a d’ailleurs saisi le ministre du Travail.

Un équilibre délicat à maintenir

L’enjeu pour les pouvoirs publics consiste à maintenir un équilibre entre la protection des droits des salariés, exigée par le droit européen, et la préservation de la compétitivité des entreprises françaises. La stratégie de limitation mise en œuvre par le gouvernement témoigne de cette recherche d’équilibre, mais son efficacité à long terme reste à démontrer.

Conclusion

L’arrêt du 10 septembre 2025 marque une étape décisive dans l’harmonisation du droit français avec les standards européens de protection sociale. Pour les services RH, cette évolution impose une adaptation rapide et structurée, nécessitant une approche proactive pour maîtriser les risques tout en respectant les nouveaux droits des salariés. La tension entre les exigences européennes et la volonté gouvernementale de limitation des effets continuera probablement d’alimenter les débats dans les mois à venir.