La question du repos hebdomadaire suscite souvent des interrogations en entreprise : est-il obligatoire d’accorder un jour de repos après 6 jours consécutifs de travail ? L’actualité juridique apporte une réponse claire grâce à une récente décision de la Cour de cassation.
Quelle est la règle ? Repos hebdomadaire et organisation du temps de travail
Selon le Code du travail (article L. 3132-1), chaque salarié doit bénéficier, au minimum, de 24 heures de repos hebdomadaire consécutives, auxquelles s’ajoutent les 11 heures de repos quotidien. Cela porte le repos hebdomadaire à 35 heures consécutives.
La règle générale impose de donner ce repos chaque semaine civile, c’est-à-dire entre le lundi à minuit et le dimanche à 24h. Le jour traditionnel de repos en France reste le dimanche, mais de nombreuses dérogations existent et permettent de l’aménager.
Un salarié doit-il avoir un repos après 6 jours de travail consécutifs ?
Non, la loi n’impose pas d’accorder impérativement un repos après 6 jours de travail consécutifs. La Cour de cassation, dans une décision du 13 novembre 2024, précise qu’un salarié peut exceptionnellement travailler plus de 6 jours à la suite, à condition de bénéficier d’un repos hebdomadaire à l’intérieur de chaque semaine civile.
Exemple : un salarié peut travailler 12 jours consécutifs, du mardi d’une semaine au samedi de la suivante, s’il bénéficie d’un repos le lundi de la première semaine et le dimanche de la suivante (chacun d’au moins 24h + 11h de repos quotidien).
Quelle justification juridique ?
La Cour de cassation a tranché, en se basant sur l’absence de précision sur le moment exact de la prise du repos hebdomadaire, aussi bien dans le code du travail que dans le droit européen. L’article L. 3132‑1 exige un repos chaque semaine civile, mais ne contraint pas à le donner après 6 jours exacts de travail consécutifs.
Cette interprétation est confirmée par la jurisprudence européenne de la CJUE qui impose seulement qu’un repos de 24 heures, augmenté de 11 heures de repos quotidien, soit accordé au sein de chaque période de 7 jours de travail.
En cas de litige : ce que dit la jurisprudence
Le cas récent concernait un directeur des ventes reprochant à son employeur le non-respect du droit au repos hebdomadaire, après avoir travaillé 11 et 12 jours consécutifs. La Cour a rejeté la demande, soulignant l’absence d’exigence d’un repos après chaque période de 6 jours consécutifs si le repos est bien donné chaque semaine civile.
Synthèse : ce qu’il faut retenir
Le repos hebdomadaire (au moins 35h consécutives) doit être accordé à chaque salarié chaque semaine civile.
La loi n’oblige pas à interrompre une séquence de 6 jours consécutifs de travail par un repos.
Le principe reste compatible avec le droit européen, qui impose un repos hebdomadaire intérieur à chaque période de 7 jours.
Les employeurs peuvent donc organiser le planning de telle sorte que, dans la semaine civile, chaque salarié ait son repos, sans obligation de couper après 6 jours.
Bien que la loi française n’impose pas systématiquement sa mise en place, la pratique de l’entretien annuel est largement répandue dans les entreprises, souvent rendue obligatoire par des dispositions conventionnelles ou contractuelles.
Dans ce 1er article, nous serons focalisés sur la définition et la conformité de l’entretien.
Dans un 2e article, la dématérialisation de l’entretien annuel sera décrite.
1. Définition de l’Obligation Légale d’Entretien Annuel
1.1 Le Cadre Légal : Une Obligation Conditionnelle
Contrairement à l’entretien professionnel qui est obligatoire tous les deux ans en vertu de l’article L.6315-1 du Code du travail, l’entretien annuel d’évaluation n’est pas une obligation légale générale. Cependant, son caractère obligatoire dépend de la présence d’une disposition dans les documents suivants :
Convention collective ou accord de branche : De nombreuses conventions (comme la convention Syntec) rendent explicitement l’entretien annuel obligatoire, notamment pour les salariés en forfait jours.
Accord d’entreprise ou accord collectif : Des accords conclus au niveau de l’entreprise entre la direction et les représentants des salariés peuvent en imposer la réalisation.
Règlement intérieur de l’entreprise : L’employeur peut décider d’inclure cette obligation dans le document, la rendant contraignante pour l’ensemble du personnel.
Contrat de travail ou avenants : Une clause contractuelle peut prévoir explicitement la participation à des entretiens annuels.
Politique RH formalisée : Une politique interne documentée constitue également un engagement envers les salariés.
1.2 La Distinction : Entretien Annuel vs Entretien Professionnel
Il convient de bien distinguer ces deux types d’entretiens, qui répondent à des finalités différentes :
Aspect
Entretien Annuel
Entretien Professionnel
Caractère obligatoire
Non, sauf disposition contraire
Oui, obligatoire tous les 2 ans
Finalité
Évaluation des compétences et performances
Évolution professionnelle et employabilité
Contenu
Bilan de l’année écoulée, objectifs futurs
Perspectives d’évolution, formations, VAE, CPF
Fréquence
Une fois par an (ou selon la convention)
Tous les deux ans minimum
Évaluation du travail
Oui
Non
Compte rendu
Recommandé mais facultatif (sauf accord)
Obligatoire
Bilan à 6 ans
Non applicable
Oui, pour vérifier les avances professionnelles
Point important : La réalisation d’un entretien annuel ne dispense en aucun cas de l’obligation d’organiser un entretien professionnel. Ces deux dispositifs sont complémentaires et ne peuvent se substituer l’un à l’autre.
1.3 Le Pouvoir de Direction de l’Employeur
L’employeur dispose d’un pouvoir de direction lui permettant d’évaluer ses collaborateurs, fondé sur l’article L.1321-1 du Code du travail. Toutefois, ce pouvoir n’est pas absolu et doit s’exercer dans le respect de cadres légaux précis concernant les critères d’évaluation et les libertés individuelles.
2. Les Critères Objectifs d’Évaluation : Décision Récente de la Cour de Cassation
2.1 L’Illicéité des Critères Subjectifs et Moralisateurs
La Cour de cassation a rendu, le 15 octobre 2025 (n°22-20.716), un arrêt fondateur rappelant avec fermeté les exigences légales en matière d’évaluation. Cette décision marque un tournant dans la jurisprudence en matière de critères comportementaux.
La Cour rappelle que tout système d’évaluation doit reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie. Cette exigence s’applique non seulement aux critères techniques, mais également aux compétences comportementales.
2.2 L’Affaire du 15 Octobre 2025 : Critères Sanctionnés
L’entreprise défenderesse avait mis en place un « entretien de développement individuel » comportant une section substantielle dédiée aux compétences comportementales. Cette section utilisait des critères tels que :
« Optimisme »
« Honnêteté »
« Bon sens »
Ces notions figuraient sous les items « engagement » et « avec simplicité ».
Les Motifs de l’Illicéité
La Cour de cassation, approuvant l’appréciation de la Cour d’appel de Rennes, a considéré que :
Imprécision et caractère vague : Ces critères manquent de définition claire et présentent une ambiguïté fondamentale. Les notions d’« optimisme » ou de « bon sens » ne peuvent être objectivement mesurées ou vérifiées.
Connotation moralisatrice : Ces termes possèdent une charge morale intrinsèque qui porte atteinte à la sphère personnelle des salariés. Évaluer l’« honnêteté » ou l’« optimisme » revient à juger la personnalité individuelle plutôt que la capacité à exécuter les missions professionnelles.
Absence de lien direct avec l’activité professionnelle : Ces critères ne présentent pas de corrélation suffisante, directe et nécessaire avec l’exécution des fonctions concrètes du poste occupé. L’appréciation de la personnalité morale ne peut servir de fondement à l’évaluation professionnelle.
Subjectivité excessive : La mise en œuvre de tels critères laisse une latitude trop importante à l’évaluateur, compromettant l’impartialité et la transparence du système.
Non-accessorité : Contrairement à la position défendue par l’employeur, la Cour a considéré que la section comportementale ne pouvait être requalifiée comme « accessoire » ou « secondaire ». L’importance accordée aux critères comportementaux était telle qu’elle entachait l’ensemble du dispositif d’illicéité.
2.3 Implications pour les Entreprises
Cette décision produit plusieurs conséquences majeures :
Illicéité du dispositif complet : L’introduction de critères subjectifs dans une partie du système rend l’intégralité du dispositif d’évaluation illicite, même si d’autres critères techniques ou objectifs sont correctement formalisés. Le poids relatif accordé aux critères comportementaux n’a pas d’importance ; leur simple présence suffit à compromettre la légalité.
Risque de condamnation : Les salariés évalués sur la base de tels critères disposent d’un fondement juridique solide pour contester leur évaluation et demander des dommages-intérêts. Cela peut entraîner :
L’annulation de mesures de gestion prises sur la base de cette évaluation
Des indemnisations en faveur des salariés lésés
La condamnation de l’employeur aux frais de procédure
Obligation de révision : Les entreprises utilisant des grilles d’évaluation comportant des critères similaires doivent procéder à une révision urgente de leurs dispositifs.
2.4 Les Critères Licites : Ce Qui Est Autorisé
La jurisprudence n’interdit pas en soi l’utilisation de compétences comportementales. Sont considérés comme licites les critères qui :
Sont objectivement mesurables : Par exemple, « capacité à respecter les délais », « aptitude à communiquer clairement avec les clients », « capacité à travailler en équipe sur des projets définis ».
Présentent un lien direct avec le poste : Les compétences comportementales doivent être rattachables à l’exécution concrète des missions du salarié.
Sont dénués de connotation moralisatrice : Les critères doivent évaluer des aptitudes professionnelles, non des traits de personnalité ou des valeurs morales.
Sont précis et vérifiables : Chaque critère doit être formulé de manière suffisamment claire pour que son application soit transparente et reproductible.
Exemple de critères comportementaux licites : « Capacité à gérer les situations conflictuelles dans le respect des protocoles de l’entreprise », « Aptitude à transmettre les informations en utilisant les outils de communication définis ».
2.5 L’Application des Articles L.1121-1, L.1222-2 et L.1222-3 du Code du Travail
Ces articles consacrent le principe fondamental que :
L.1121-1 : Toute restriction aux droits et libertés du salarié doit être justifiée par la nature de la tâche et proportionnée au but recherché.
L.1222-2 : L’évaluation professionnelle doit être effectuée en permanence.
L.1222-3 : L’évaluation du salarié doit reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie.
La Cour de cassation rappelle que l’introduction de critères vagues ou moraux constitue un manquement direct à ces dispositions, entreachant d’illicéité l’ensemble de la procédure d’évaluation.
En mettant l’accent sur l’objectivité des critères, la clarté du processus et le respect des libertés individuelles, les employeurs pourront développer des systèmes d’évaluation à la fois justes, légaux et performants
Depuis les décisions de la Cour de cassation en 2024 et 2025, les activités sociales et culturelles (ASC) ne peuvent plus être réservées selon l’ancienneté des salariés.
L’URSSAF accorde un délai de tolérance jusqu’au 31 décembre 2025 pour que les CSE se mettent en conformité. Passé cette date, les sanctions tomberont.
Ce que dit la loi et la jurisprudence
Deux arrêts récents ont clarifié la situation :
Le 3 avril 2024, la Cour de cassation a interdit toute condition d’ancienneté pour bénéficier d’une activité sociale ou culturelle du CSE (n° 22‑16812).
Le 12 mars 2025, elle a étendu l’interdiction à toute différence de montant selon l’ancienneté (n° 23‑21223).
En clair : tous les salariés doivent accéder aux ASC selon des critères objectifs et non discriminants.
De son côté, l’URSSAF s’est alignée sur cette position dans son Guide CSE 2025 : elle ne tolère plus la fameuse condition de six mois d’ancienneté qu’elle admettait auparavant.
Jusqu’au 31 décembre 2025 : période de tolérance
Les CSE disposent encore de quelques mois pour adapter leurs pratiques.
D’ici fin 2025, un contrôle URSSAF aboutira simplement à une demande de mise en conformité pour l’avenir.
Mais attention : à compter du 1ᵉʳ janvier 2026, toute condition d’ancienneté entraînera la perte des exonérations sociales sur les prestations concernées.
L’URSSAF pourra alors exiger un redressement de cotisations.
Quelles prestations sont visées ?
Sont concernées toutes les aides et avantages financés par le CSE, notamment :
les bons d’achat, chèques-vacances et cadeaux en nature ;
les chèques culture (chèques-lire, chèques-disques, culturels) ;
les aides à la garde d’enfants ou aux services à la personne.
Si ces prestations ne sont pas attribuées à tout le personnel, elles ne seront plus exonérées.
Comment se mettre en conformité ?
Pour éviter tout risque, chaque CSE doit :
Supprimer toute référence à l’ancienneté dans ses règlements ou barèmes ;
Actualiser les formulaires et communications internes ;
Consigner la modification dans un procès-verbal de réunion ;
Informer tous les salariés pour assurer la transparence.
Il est aussi recommandé de revoir les critères d’attribution : les distinctions peuvent encore exister, à condition qu’elles reposent sur des éléments neutres, comme le temps de travail, la catégorie professionnelle, ou la situation familiale.