Archives de catégorie : Droit du Travail

Calcul des heures supplémentaires avec congés payés, la jurisprudence évolue

seuil déclenchement des heures supplémentaires en cas de congés payés sur la semaine

L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 septembre 2025 (n° 23-14.455) marque un tournant majeur dans la gestion de la paie. Désormais, les jours de congés payés doivent être pris en compte pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires hebdomadaires, alignant ainsi le droit français sur les exigences du droit européen.

Cette décision concerne spécifiquement les salariés soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail et représente un revirement de jurisprudence fondamental qui impactera directement la gestion RH et la paie dans de nombreuses entreprises.

Contexte juridique : de la règle française au droit européen

L’ancienne règle française

Jusqu’au 9 septembre 2025, le principe était clair : seules les heures de travail effectif étaient prises en compte pour déterminer le dépassement du seuil des 35 heures hebdomadaires. L’article L.3121-28 du Code du travail définissait le temps de travail effectif comme « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ». Les congés payés, n’entrant pas dans cette définition, étaient donc exclus du calcul des heures supplémentaires.

La pression du droit européen

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait déjà statué dans un arrêt du 13 janvier 2022 (affaire C-514/20) qu’exclure les heures de congés payés du calcul des heures supplémentaires était contraire au droit européen. Selon la CJUE, toute pratique pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés, notamment par un désavantage financier, viole l’article 7 de la directive 2003/88/CE.

Le 18 juin 2025, la Commission européenne avait même adressé une lettre de mise en demeure à la France pour non-conformité, accélérant la nécessité d’une harmonisation.

Le cas d’espèce : trois ingénieurs et un forfait contesté

L’affaire concernait trois ingénieurs soumis à une convention de forfait hebdomadaire de 38,5 heures. Ces salariés réclamaient le paiement de 3,5 heures supplémentaires par semaine, mais la cour d’appel avait exclu de ses calculs les semaines comprenant des jours de congés payés.

Exemple concret avant l’arrêt :

  • Lundi : 8 heures travaillées

  • Mardi : 7 heures travaillées

  • Mercredi : Congé payé (7 heures)

  • Jeudi : 7 heures travaillées

  • Vendredi : 9 heures travaillées

Résultat : 31 heures de travail effectif, donc pas d’heures supplémentaires

Résultat après l’arrêt : 38 heures décomptées (31h effectives + 7h congés) = 3 heures supplémentaires majorées

La nouvelle règle : implications pratiques pour la paie

Principe général

La Cour de cassation énonce désormais qu’un salarié soumis à un décompte hebdomadaire peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires sur la semaine au cours de laquelle il a posé un jour de congé payé, même s’il n’a pas réalisé 35 heures de travail effectif.

Exemple d’application pratique

Situation Avant le 10/09/2025 Après le 10/09/2025
Contrat 35h hebdomadaires 35h hebdomadaires
Congés posés 1 jour (7h) 1 jour (7h)
Heures travaillées 30h 30h
Base de calcul 30h (hors congés) 37h (30h + 7h congés)
Conséquence Pas d’heures supplémentaires 2h supplémentaires majorées

Champ d’application limité

Attention : cette règle ne concerne que les salariés en décompte hebdomadaire. Elle ne s’applique pas aux salariés en annualisation ou mensualisation du temps de travail. La Cour de cassation précise qu’elle « ne préjuge pas de la solution quant aux autres modes de décompte ».

Impacts majeurs pour la gestion de la paie

Conséquences financières

Cette jurisprudence entraîne une augmentation potentielle du coût des congés payés pour les employeurs, car certaines semaines peuvent désormais générer des heures supplémentaires qui n’étaient pas rémunérées auparavant.

Aspects techniques et systèmes

Les entreprises doivent impérativement :

Adapter leurs logiciels de paie et SIRH pour intégrer correctement cette nouvelle règle de calcul. Les systèmes doivent désormais comptabiliser les jours de congés payés comme du temps de travail pour le déclenchement des seuils d’heures supplémentaires.

Revoir leurs processus de suivi du temps de travail et des heures supplémentaires, en s’assurant que les compteurs reflètent correctement la nouvelle règle.

Impact sur la DSN (Déclaration Sociale Nominative)

Les entreprises devront s’assurer que leurs systèmes prennent correctement en compte cette évolution. La DSN mensuelle devra refléter ces nouvelles heures supplémentaires, avec tous les événements liés aux congés payés et heures supplémentaires.

Mesures à prendre immédiatement

Pour les employeurs

Audit des pratiques actuelles : Vérifier les processus de calcul des heures supplémentaires et identifier les impacts financiers potentiels

Formation des équipes : Informer les services RH, managers et gestionnaires de paie sur cette nouvelle règle et ses implications.

Mise à jour des systèmes : Adapter les logiciels de paie pour intégrer la nouvelle méthode de calcul

Communication interne : Informer les salariés de leurs nouveaux droits en matière d’heures supplémentaires.

Conventions collectives et accords d’entreprise

De nombreuses conventions collectives et accords d’entreprise vont devoir être renégociés pour tenir compte de cette évolution. Les entreprises doivent examiner leurs textes conventionnels pour identifier les clauses potentiellement impactées.

Perspective d’évolution

Cette décision s’inscrit dans une dynamique plus large de harmonisation du droit français avec le droit européen. La Cour de cassation a également rendu le même jour un autre arrêt permettant le report des congés payés en cas d’arrêt maladie survenant pendant les congés.

Il est probable que cette jurisprudence soit étendue à d’autres modes de décompte du temps de travail dans de futures décisions, même si la Cour de cassation reste pour l’instant prudente sur ce point.

Cette évolution jurisprudentielle marque un renforcement significatif des droits des salariés et impose aux employeurs une adaptation rapide de leurs pratiques RH et de paie. Les entreprises qui n’auront pas anticipé cette évolution s’exposent à des risques financiers et contentieux importants.

Report congés payés maladie : arrêt Cour cassation 2025

DDADUE maladie

La Cour de cassation a rendu le 10 septembre 2025 un arrêt marquant qui bouleverse fondamentalement la gestion des congés payés en France. Dans cette décision historique, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire reconnaît désormais le droit pour un salarié tombant malade pendant ses congés payés de les reporter ultérieurement.

Nous avions déja évoqué cette situation dans notre article du 20 juillet 2025 : https://formulepaie.fr/arret-maladie-pendant-un-conge-une-situation-a-eclaircir/

Cette évolution jurisprudentielle met fin à une position constante depuis 1996, selon laquelle « le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés est réputé avoir pris ses congés payés et ne peut prétendre ni à une prolongation de son congé ni à un report des congés payés correspondant à la période d’arrêt de travail ».

Désormais, le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie, sous réserve que l’arrêt soit notifié à l’employeur.

L’articulation complexe avec la loi DDADUE du 22 avril 2024

Les apports complémentaires de la loi DDADUE

La loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) avait déjà partiellement aligné le droit français sur les exigences européennes. Cette réforme a introduit des règles précises d’acquisition des congés payés pendant les arrêts de travail.

Pour les maladies non professionnelles : acquisition de 2 jours ouvrables par mois (soit 24 jours maximum par an), contre 2,5 jours en temps normal. Cette limitation représente 80% des droits habituels, dans le respect du minimum européen de 4 semaines.

Pour les accidents du travail et maladies professionnelles : maintien de l’acquisition de 2,5 jours ouvrables par mois sans limitation de durée

Une lacune comblée par la jurisprudence

Cependant, la loi DDADUE était restée silencieuse sur le sort des congés payés lorsque la maladie survient pendant leur prise effective. L’arrêt du 10 septembre 2025 comble cette lacune en consacrant le principe du report, avec une période maximale de 15 mois prévue par la loi DDADUE.

Cette articulation crée un système cohérent où les salariés peuvent à la fois acquérir des congés pendant leur maladie et les reporter s’ils tombent malades pendant leurs vacances, garantissant ainsi un repos effectif conforme aux exigences européennes.

La pression européenne : une mise en demeure déterminante

La procédure d’infraction du 18 juin 2025

L’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans un contexte de forte pression européenne. Le 18 juin 2025, la Commission européenne a adressé une lettre de mise en demeure à la France pour manquement aux règles de l’Union européenne sur le temps de travail. La Commission reprochait à la France de ne pas garantir « que les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie

Cette procédure d’infraction, basée sur la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, donnait à la France un délai de deux mois pour se conformer au droit européen. L’arrêt du 10 septembre, rendu dans ce délai critique, constitue une réponse directe à cette mise en demeure.

La jurisprudence européenne comme référence

La Cour de cassation s’appuie explicitement sur l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE et la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne. Notamment l’arrêt Anged du 21 juin 2012 (C-78/11), qui précise que « le moment où est survenue ladite incapacité est dépourvu de pertinence », qu’elle survienne avant ou pendant le congé

Implications majeures pour les services des ressources humaines

Adaptation organisationnelle immédiate ?

Les départements RH font face à des défis opérationnels considérables. L’obligation d’accepter le report devient immédiate, nécessitant une révision complète des procédures internes. Les entreprises doivent notamment adapter leurs logiciels de paie et de gestion des temps et activités (GTA) pour intégrer automatiquement cette nouvelle règle.

Faut il pour autant, se précipiter pour donner raison à toute demande d’un salarié, en l’absence d’une réglementation clairemment définie par le code du travail ?

Certainemement pour éviter un contentieux mais l’adaptation organisationnelle globale doit s’effectuer sur une base réglementaire solide et pérenne.

La formation des équipes RH deviendra alors nécessaire pour maîtriser les subtilités de cette évolution, notamment la distinction entre les différents types d’arrêts et leurs conséquences sur les droits à congés. Le suivi renforcé des notifications d’arrêts maladie pendant les congés constitue également un enjeu majeur, la notification à l’employeur étant la condition sine qua non du droit au report

Risques contentieux et gestion des régularisations

Les services RH doivent anticiper un risque accru de litiges. Les salariés peuvent désormais contester tout refus ou omission de report en s’appuyant sur la jurisprudence européenne et française. Certains salariés pourraient également introduire des demandes de rappels de congés payés dans un cadre amiable ou contentieux.

La gestion des demandes de régularisation rétroactives représente un défi particulier. Bien que la loi DDADUE prévoie un délai de forclusion de deux ans à compter de sa publication, les entreprises doivent se préparer à traiter des demandes concernant des périodes antérieures

Communication et accompagnement du changement

Les RH devront mettre en place une communication transparente aux salariés sur leurs nouveaux droits, tout en expliquant les modalités pratiques d’exercice de ces droits. Cette communication doit être particulièrement soignée pour éviter les incompréhensions et les contentieux.

La stratégie de limitation du pouvoir exécutif

Une volonté affichée de tempérer les effets

Face aux implications financières considérables de cette évolution jurisprudentielle, le pouvoir exécutif a développé une stratégie de limitation des effets. Cette approche s’est concrétisée dès l’avis du Conseil d’État du 13 mars 2024, sollicité par le Premier Ministre Gabriel Attal

Le Conseil d’État a validé la possibilité de limiter à 4 semaines par an les congés payés acquis par un salarié en arrêt maladie d’origine non professionnelle, soit 80% des droits normaux. Cette limitation s’appuie sur le fait que la directive européenne n’impose qu’un minimum de 4 semaines, alors que le droit français prévoit 5 semaines

Les garde-fous de la loi DDADUE

La loi du 22 avril 2024 a intégré plusieurs mécanismes de limitation :

Plafonnement des acquisitions : 2 jours ouvrables par mois pour les maladies non professionnelles, contre 2,5 en temps normal.

Délai de forclusion : fixation d’une période de 2 ans pour introduire des actions concernant des périodes antérieures au 1er décembre 2009

Report limité : période maximale de 15 mois pour exercer le droit au report

Une distinction assumée entre types d’arrêts

Le gouvernement maintient une différenciation entre les accidents du travail/maladies professionnelles (2,5 jours par mois) et les maladies simples (2 jours par mois). Cette distinction, validée par le Conseil d’État, vise à équilibrer protection sociale et soutenabilité économique pour les entreprises

Perspectives d’évolution et enjeux futurs

Vers une modification législative nécessaire

Bien que l’arrêt du 10 septembre réponde partiellement à la mise en demeure européenne, une modification du Code du travail semble inévitable. Le législateur devra explicitement consacrer le droit au report des congés en cas de maladie pendant leur prise, en définissant précisément les modalités d’exercice et les conditions.

L’impact sur la compétitivité des entreprises

Cette évolution soulève des interrogations sur l’impact économique pour les employeurs, particulièrement les TPE et PME. Les organisations patronales, notamment le Syndicat des indépendants, alertent sur les risques de « destruction de l’emploi ». La délégation aux entreprises du Sénat a d’ailleurs saisi le ministre du Travail.

Un équilibre délicat à maintenir

L’enjeu pour les pouvoirs publics consiste à maintenir un équilibre entre la protection des droits des salariés, exigée par le droit européen, et la préservation de la compétitivité des entreprises françaises. La stratégie de limitation mise en œuvre par le gouvernement témoigne de cette recherche d’équilibre, mais son efficacité à long terme reste à démontrer.

Conclusion

L’arrêt du 10 septembre 2025 marque une étape décisive dans l’harmonisation du droit français avec les standards européens de protection sociale. Pour les services RH, cette évolution impose une adaptation rapide et structurée, nécessitant une approche proactive pour maîtriser les risques tout en respectant les nouveaux droits des salariés. La tension entre les exigences européennes et la volonté gouvernementale de limitation des effets continuera probablement d’alimenter les débats dans les mois à venir.

Préavis en cas de licenciement pour inaptitude : impact sur l’ancienneté et autres conséquences

Inaptitude et préavis

Le licenciement pour inaptitude constitue une procédure spécifique du droit du travail français qui soulève de nombreuses questions, notamment concernant le préavis et son impact sur l’ancienneté du salarié. Cette situation particulière, où le salarié ne peut physiquement pas exercer ses fonctions, génère des conséquences juridiques importantes qu’il convient d’analyser en détail.

1. Les principes fondamentaux du préavis en cas de licenciement pour inaptitude

1.1 L’absence d’exécution du préavis : une règle générale

En cas de licenciement pour inaptitude, le principe fondamental est que le salarié n’exécute pas de préavis. Cette règle découle logiquement de l’impossibilité physique ou mentale du salarié à occuper son poste de travail, constatée par le médecin du travail.

Le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement, contrairement aux licenciements classiques où la rupture intervient à l’issue du préavis. Cette spécificité s’explique par l’état de santé du salarié qui l’empêche de fournir sa prestation de travail.

1.2 Distinction selon l’origine de l’inaptitude

Les conséquences du préavis varient significativement selon que l’inaptitude est d’origine professionnelle ou non professionnelle :

 Inaptitude d’origine professionnelle
– Définition : Inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle
– Indemnité compensatrice : Le salarié bénéficie d’une indemnité égale à l’indemnité compensatrice de préavis
– Nature juridique : Cette indemnité n’est pas techniquement un préavis mais une indemnité spécifique de protection

 Inaptitude d’origine non professionnelle
– Définition : Inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel
– Principe : Absence d’indemnité compensatrice de préavis
– Exception: Possible indemnisation si les dispositions conventionnelles le prévoient expressément

 2. Impact du préavis sur l’ancienneté : règles et calculs

 2.1 Prise en compte de la durée du préavis pour l’ancienneté

Malgré la non-exécution du préavis, la durée théorique du préavis est prise en compte pour déterminer l’ancienneté servant au calcul de l’indemnité de licenciement. Cette règle s’applique dans les deux types d’inaptitude.

Principe de calcul :
– L’ancienneté est calculée jusqu’à la date de fin théorique du préavis
– Cette règle s’applique même si le préavis n’est pas exécuté
– Elle concerne uniquement le calcul de l’indemnité de licenciement

2.2 Exemple pratique de calcul

Situation : Un salarié avec 8 ans et 3 mois d’ancienneté au moment de la notification du licenciement, avec un préavis théorique de 2 mois.

Calcul de l’ancienneté pour l’indemnité :
– Ancienneté réelle : 8 ans et 3 mois
– Durée du préavis : 2 mois
– Ancienneté retenue : 8 ans et 5 mois

Cette ancienneté majorée sera utilisée pour calculer l’indemnité de licenciement selon le barème légal :
– 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté (10 premières années)
– 1/3 de mois de salaire par année d’ancienneté (années suivantes)

2.3 Différence avec les autres droits sociaux

Important : Cette règle de majoration de l’ancienneté ne s’applique qu’au calcul de l’indemnité de licenciement. Elle n’affecte pas :
– Les droits à la retraite
– L’ancienneté pour d’autres calculs sociaux
– Les droits aux congés payés
– L’ancienneté conventionnelle pour d’autres avantages

 3. Les différentes indemnisations selon l’origine de l’inaptitude

 3.1 Inaptitude d’origine professionnelle : protection renforcée

Indemnités dues :
1. Indemnité spéciale de licenciement : Double de l’indemnité légale de licenciement
2. Indemnité compensatrice équivalente au préavis : Montant égal à ce que le salarié aurait perçu pendant le préavis
3. Indemnité compensatrice de congés payés : Si applicable

 Spécificités importantes :
– La durée de préavis prise en compte est la durée légale, non conventionnelle
– Le doublement ne s’applique pas aux dispositions conventionnelles plus favorables
– Cette indemnité n’est pas techniquement un préavis (pas d’acquisition de congés payés)

3.2 Inaptitude d’origine non professionnelle : régime restrictif

 Indemnités dues :
1. Indemnité légale de licenciement (ou conventionnelle si plus favorable)
2. Pas d’indemnité compensatrice de préavis (sauf convention collective expresse)
3. Indemnité compensatrice de congés payés : Si applicable

Exception jurisprudentielle :
Le salarié peut percevoir une indemnité compensatrice de préavis si le licenciement est requalifié sans cause réelle et sérieuse par le conseil de prud’hommes, notamment en cas de :
– Manquement à l’obligation de recherche de reclassement
– Non-consultation du CSE
– Défaut de justification de l’impossibilité de reclassement

4. Le délai d’un mois et ses conséquences financières

4.1 L’obligation de reprise du salaire

Règle fondamentale : Si l’employeur ne procède ni au reclassement ni au licenciement dans un délai d’un mois à compter de la déclaration d’inaptitude, il doit reprendre le versement du salaire.

Modalités :
– Le délai court à partir de l’examen médical (non de la notification de l’avis)
– Le salaire versé correspond à celui de l’emploi occupé avant la suspension
– Cette obligation perdure jusqu’au reclassement ou au licenciement effectif

 4.2 Conséquences pratiques

Cette règle crée une incitation forte pour l’employeur à agir rapidement :
– Coût financier : Versement du salaire sans contrepartie de travail
– Pression temporelle : Nécessité d’organiser rapidement la procédure
– Risque juridique: Sanctions en cas de non-respect

5. Impacts sur les droits sociaux et avantages

5.1 Conservation des avantages en nature

Pendant la période théorique du préavis (même non exécuté), le salarié conserve certains droits :
– Voiture de fonction : Maintenue si considérée comme avantage en nature
– Assurance complémentaire : Selon les dispositions conventionnelles
– Autres avantages contractuels : Maintenus théoriquement

5.2 Droits électoraux et syndicaux

Le statut de salarié est maintenu jusqu’à la date de fin théorique du préavis, préservant :
– Les droits de vote aux élections professionnelles
– Les prérogatives syndicales
– La protection contre le licenciement pour les représentants du personnel

5.3 Impact sur le chômage

La date de rupture effective (notification du licenciement) détermine :
– Le point de départ des droits à l’allocation chômage
– Les éventuels différés d’indemnisation
– Le calcul de l’allocation de retour à l’emploi

 6. Jurisprudence récente et évolutions

6.1 Tendances jurisprudentielles

La Cour de cassation a récemment précisé plusieurs points :

Sur l’indemnité compensatrice en inaptitude non professionnelle :
– Principe strict : Pas d’indemnité sauf disposition conventionnelle expresse
– Interprétation restrictive : Une simple mention du préavis dans la convention ne suffit pas
– Exigence de clarté : La convention doit explicitement prévoir l’indemnisation

Sur le délai d’un mois :
– Point de départ : L’examen médical, non la notification de l’avis
– Caractère impératif : Aucune suspension possible du délai
– Sanctions : Reprise obligatoire du salaire en cas de dépassement

6.2 Évolutions réglementaires récentes

L’arrêté du 3 mars 2025 a modernisé les modèles d’avis d’inaptitude, mais n’a pas modifié les règles de fond concernant :
– Les délais de procédure
– Les indemnisations
– L’impact sur l’ancienneté

 7. Conseils pratiques et bonnes pratiques

7.1 Pour l’employeur

Gestion des délais :
– Anticiper la visite de reprise après arrêt maladie
– Organiser rapidement la recherche de reclassement
– Respecter le délai d’un mois sous peine de reprise du salaire
– Documenter toutes les démarches de reclassement

Procédure à suivre :
1. Visite médicale de reprise obligatoire
2. Recherche active de postes de reclassement
3. Consultation du CSE si nécessaire
4. Entretien préalable dans les règles
5. Notification motivée du licenciement

7.2 Pour le salarié

Protection des droits :
– Vérifier le respect des délais par l’employeur
– Exiger une justification écrite en cas d’impossibilité de reclassement
– Contrôler le calcul des indemnités, notamment l’ancienneté
– Conserver tous les documents médicaux et échanges

Actions possibles :
– Contester l’avis d’inaptitude si non fondé
– Saisir les prud’hommes en cas de vice de procédure
– Réclamer les salaires dus en cas de dépassement du délai d’un mois

8. Cas particuliers et situations spécifiques

8.1 Inaptitude temporaire vs définitive

Inaptitude temporaire :
– Possibilité de réexamen médical
– Suspension temporaire du contrat
– Maintien des droits et de l’ancienneté

Inaptitude définitive:
– Procédure de licenciement obligatoire
– Calcul définitif des indemnités
– Rupture du contrat

 8.2 Salariés protégés

Les représentants du personnel et autres salariés protégés bénéficient de garanties supplémentaires :
– Autorisation administrative nécessaire
– Procédure renforcée de consultation
– Délais prolongés pour la procédure
– Protection maintenue pendant la procédure

 8.3 Inaptitude partielle

En cas d’inaptitude partielle à certaines tâches :
– Aménagement possible du poste
– Reclassement sur fonctions compatibles
– Maintien dans l’entreprise privilégié
– Licenciement en dernier recours uniquement

Le préavis en cas de licenciement pour inaptitude présente des spécificités importantes qui impactent significativement les droits du salarié et les obligations de l’employeur. Bien que le préavis ne soit jamais exécuté dans ce contexte, sa durée théorique influence le calcul de l’ancienneté pour l’indemnité de licenciement, constituant un élément protecteur important pour le salarié.

La distinction entre inaptitude professionnelle et non professionnelle demeure cruciale, déterminant le niveau d’indemnisation et les droits du salarié. Les employeurs doivent particulièrement veiller au respect du délai d’un mois sous peine de devoir reprendre le versement du salaire, tandis que les salariés doivent être vigilants sur le calcul de leurs indemnités et le respect de la procédure.

L’évolution jurisprudentielle tend vers une interprétation stricte des textes, particulièrement concernant l’indemnité compensatrice de préavis en cas d’inaptitude non professionnelle, nécessitant une analyse précise des dispositions conventionnelles applicables.

Cette complexité juridique rend indispensable une approche préventive et une connaissance approfondie des règles applicables pour sécuriser les relations de travail et protéger les droits de chacune des parties.