Calcul des heures supplémentaires avec congés payés, la jurisprudence évolue

seuil déclenchement des heures supplémentaires en cas de congés payés sur la semaine

L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 septembre 2025 (n° 23-14.455) marque un tournant majeur dans la gestion de la paie. Désormais, les jours de congés payés doivent être pris en compte pour le calcul du seuil de déclenchement des heures supplémentaires hebdomadaires, alignant ainsi le droit français sur les exigences du droit européen.

Cette décision concerne spécifiquement les salariés soumis à un décompte hebdomadaire de la durée du travail et représente un revirement de jurisprudence fondamental qui impactera directement la gestion RH et la paie dans de nombreuses entreprises.

Contexte juridique : de la règle française au droit européen

L’ancienne règle française

Jusqu’au 9 septembre 2025, le principe était clair : seules les heures de travail effectif étaient prises en compte pour déterminer le dépassement du seuil des 35 heures hebdomadaires. L’article L.3121-28 du Code du travail définissait le temps de travail effectif comme « le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles ». Les congés payés, n’entrant pas dans cette définition, étaient donc exclus du calcul des heures supplémentaires.

La pression du droit européen

La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait déjà statué dans un arrêt du 13 janvier 2022 (affaire C-514/20) qu’exclure les heures de congés payés du calcul des heures supplémentaires était contraire au droit européen. Selon la CJUE, toute pratique pouvant dissuader un salarié de prendre ses congés payés, notamment par un désavantage financier, viole l’article 7 de la directive 2003/88/CE.

Le 18 juin 2025, la Commission européenne avait même adressé une lettre de mise en demeure à la France pour non-conformité, accélérant la nécessité d’une harmonisation.

Le cas d’espèce : trois ingénieurs et un forfait contesté

L’affaire concernait trois ingénieurs soumis à une convention de forfait hebdomadaire de 38,5 heures. Ces salariés réclamaient le paiement de 3,5 heures supplémentaires par semaine, mais la cour d’appel avait exclu de ses calculs les semaines comprenant des jours de congés payés.

Exemple concret avant l’arrêt :

  • Lundi : 8 heures travaillées

  • Mardi : 7 heures travaillées

  • Mercredi : Congé payé (7 heures)

  • Jeudi : 7 heures travaillées

  • Vendredi : 9 heures travaillées

Résultat : 31 heures de travail effectif, donc pas d’heures supplémentaires

Résultat après l’arrêt : 38 heures décomptées (31h effectives + 7h congés) = 3 heures supplémentaires majorées

La nouvelle règle : implications pratiques pour la paie

Principe général

La Cour de cassation énonce désormais qu’un salarié soumis à un décompte hebdomadaire peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires sur la semaine au cours de laquelle il a posé un jour de congé payé, même s’il n’a pas réalisé 35 heures de travail effectif.

Exemple d’application pratique

Situation Avant le 10/09/2025 Après le 10/09/2025
Contrat 35h hebdomadaires 35h hebdomadaires
Congés posés 1 jour (7h) 1 jour (7h)
Heures travaillées 30h 30h
Base de calcul 30h (hors congés) 37h (30h + 7h congés)
Conséquence Pas d’heures supplémentaires 2h supplémentaires majorées

Champ d’application limité

Attention : cette règle ne concerne que les salariés en décompte hebdomadaire. Elle ne s’applique pas aux salariés en annualisation ou mensualisation du temps de travail. La Cour de cassation précise qu’elle « ne préjuge pas de la solution quant aux autres modes de décompte ».

Impacts majeurs pour la gestion de la paie

Conséquences financières

Cette jurisprudence entraîne une augmentation potentielle du coût des congés payés pour les employeurs, car certaines semaines peuvent désormais générer des heures supplémentaires qui n’étaient pas rémunérées auparavant.

Aspects techniques et systèmes

Les entreprises doivent impérativement :

Adapter leurs logiciels de paie et SIRH pour intégrer correctement cette nouvelle règle de calcul. Les systèmes doivent désormais comptabiliser les jours de congés payés comme du temps de travail pour le déclenchement des seuils d’heures supplémentaires.

Revoir leurs processus de suivi du temps de travail et des heures supplémentaires, en s’assurant que les compteurs reflètent correctement la nouvelle règle.

Impact sur la DSN (Déclaration Sociale Nominative)

Les entreprises devront s’assurer que leurs systèmes prennent correctement en compte cette évolution. La DSN mensuelle devra refléter ces nouvelles heures supplémentaires, avec tous les événements liés aux congés payés et heures supplémentaires.

Mesures à prendre immédiatement

Pour les employeurs

Audit des pratiques actuelles : Vérifier les processus de calcul des heures supplémentaires et identifier les impacts financiers potentiels

Formation des équipes : Informer les services RH, managers et gestionnaires de paie sur cette nouvelle règle et ses implications.

Mise à jour des systèmes : Adapter les logiciels de paie pour intégrer la nouvelle méthode de calcul

Communication interne : Informer les salariés de leurs nouveaux droits en matière d’heures supplémentaires.

Conventions collectives et accords d’entreprise

De nombreuses conventions collectives et accords d’entreprise vont devoir être renégociés pour tenir compte de cette évolution. Les entreprises doivent examiner leurs textes conventionnels pour identifier les clauses potentiellement impactées.

Perspective d’évolution

Cette décision s’inscrit dans une dynamique plus large de harmonisation du droit français avec le droit européen. La Cour de cassation a également rendu le même jour un autre arrêt permettant le report des congés payés en cas d’arrêt maladie survenant pendant les congés.

Il est probable que cette jurisprudence soit étendue à d’autres modes de décompte du temps de travail dans de futures décisions, même si la Cour de cassation reste pour l’instant prudente sur ce point.

Cette évolution jurisprudentielle marque un renforcement significatif des droits des salariés et impose aux employeurs une adaptation rapide de leurs pratiques RH et de paie. Les entreprises qui n’auront pas anticipé cette évolution s’exposent à des risques financiers et contentieux importants.

Maîtrise des Coûts Sociaux : Anticiper la Fin de la Déduction Forfaitaire Spécifique (DFS)

dfs fin programmée

Pour les employeurs, l’enjeu principal de l’arrêté du 4 septembre 2025 est d’anticiper la disparition programmée de la Déduction Forfaitaire Spécifique (DFS) et de maîtriser l’augmentation des coûts sociaux qui en résultera. Cette nouvelle réglementation unifie le régime des frais professionnels et met fin à un dispositif qui permettait d’abattre l’assiette des cotisations sociales pour certaines professions, obligeant les entreprises à revoir leur politique de rémunération et de gestion des frais.

Points Clés :

  • Extinction programmée de la DFS : L’arrêté du 4 septembre 2025 acte la suppression progressive de la DFS pour huit secteurs d’activité, avec un calendrier de sortie s’étalant de 2026 à 2038 selon les professions concernées (BTP, propreté, transport, aviation, spectacle, etc.).
  • Nouvelles modalités de gestion : Le texte remplace l’arrêté du 20 décembre 2002 et redéfinit le cadre de l’indemnisation des frais professionnels, soit par le remboursement des dépenses réelles sur justificatifs, soit par des allocations forfaitaires dont les plafonds sont précisés.
  • Renforcement des obligations de l’employeur : Tant que la DFS reste applicable, l’employeur doit impérativement recueillir le consentement annuel et éclairé du salarié, l’informer des conséquences sur ses droits sociaux (retraite, indemnités journalières) et être en mesure de prouver que le salarié engage bien des frais non remboursés par ailleurs.

En résumé, la réforme impose aux employeurs une double démarche : gérer rigoureusement la sortie progressive du dispositif de la DFS pour les secteurs concernés et adapter leurs pratiques de paie et de gestion des frais professionnels pour se conformer au nouveau cadre réglementaire unifié. Cette anticipation est cruciale pour maîtriser l’impact financier de la fin de cet abattement sur les charges sociales.

Impacts des déductions forfaitaires spécifiques pour l’employeur en 2025

La gestion de la Déduction Forfaitaire Spécifique (DFS) en 2025 impose aux employeurs une vigilance accrue, tant sur le plan financier que sur le plan administratif. La suppression progressive de ce dispositif entraîne une augmentation mécanique des charges sociales et renforce les obligations de l’employeur, augmentant ainsi le risque de redressement en cas de manquement.

Augmentation du coût employeur et gestion de la paie

L’impact le plus direct de la réforme pour l’employeur est l’augmentation du coût du travail pour les salariés concernés. La DFS permettait d’appliquer un abattement sur l’assiette des cotisations sociales, réduisant de fait le montant des charges patronales.

  • Fin de l’assiette réduite : En appliquant la DFS, le salaire brut soumis à cotisations était diminué du taux d’abattement (par exemple, 10 % pour les ouvriers du bâtiment). La disparition de cet abattement signifie que les cotisations seront calculées sur 100 % du salaire brut, ce qui se traduit par une hausse directe des charges.
  • Plafonnement de la Réduction Fillon : Depuis 2020, l’application de la DFS est moins avantageuse en raison d’une limitation de la réduction générale de cotisations patronales (ex-réduction Fillon). Celle-ci est plafonnée à 130 % du montant de l’allègement qui aurait été calculé sans l’application de la DFS, ce qui neutralise une partie du gain sur les bas salaires.

La sortie progressive du dispositif, avec une réduction annuelle des taux pour certains secteurs, oblige les employeurs à une planification budgétaire rigoureuse pour anticiper cette hausse de coût progressive jusqu’à l’extinction totale de la DFS, prévue entre 2029 et 2038 selon les professions.

Renforcement des obligations et risques de redressement

Tant que la DFS reste applicable, les employeurs doivent se conformer à des obligations strictes, dont le non-respect peut entraîner des redressements de la part de l’URSSAF. La charge de la preuve repose entièrement sur l’employeur.

Obligations préalables à l’application de la DFS

  1. Recueil du consentement du salarié : L’employeur a l’obligation formelle de recueillir chaque année le consentement explicite du salarié pour l’application de la DFS. Ce consentement peut être formalisé par un contrat de travail, un avenant, ou un document écrit distinct. L’absence de consentement écrit expose l’employeur à un redressement.
  2. Devoir d’information : L’employeur doit informer clairement le salarié des conséquences de la DFS sur ses droits sociaux, notamment une diminution des droits à la retraite et des indemnités journalières de sécurité sociale (IJSS), puisque celles-ci sont calculées sur le salaire brut abattu.
  3. Preuve des frais professionnels engagés : L’employeur doit être en mesure de démontrer que le salarié supporte effectivement des frais professionnels non remboursés par ailleurs. Cette condition est essentielle et scrutée lors des contrôles URSSAF.

Obligations déclaratives et de conservation

L’employeur est tenu de respecter des obligations administratives précises pour sécuriser l’application de la DFS.

Obligation Description Source
Déclaration URSSAF Les modalités de calcul et l’application de la DFS doivent apparaître clairement sur le bulletin de paie et dans les déclarations sociales nominatives (DSN).
Conservation des justificatifs L’employeur doit conserver tous les documents prouvant le respect de ses obligations (consentement du salarié, preuves des frais engagés) pour une durée minimale de 6 ans.
Non-cumul La DFS ne peut être cumulée avec le remboursement de certains frais professionnels, sauf exceptions très encadrées. L’employeur doit s’assurer de ne pas rembourser des frais déjà couverts forfaitairement par l’abattement.
Type d’obligation Description Implication pour l’employeur
Transparence déclarative L’employeur doit déclarer avec précision les montants versés au titre des frais professionnels et s’assurer de leur correcte qualification pour bénéficier des exonérations. Une erreur de codification ou de déclaration peut entraîner la réintégration des sommes dans l’assiette des cotisations.
Justification des exonérations Le principe est que tout remboursement de frais est un élément de salaire soumis à cotisations, sauf si l’employeur prouve qu’il correspond à des dépenses professionnelles réelles et justifiées. L’employeur doit être prêt à justifier à tout moment auprès de l’URSSAF le bien-fondé de chaque exonération appliquée.
Continuité des obligations L’arrêté du 4 septembre 2025 reprend l’essentiel des dispositions antérieures, ce qui implique une continuité dans les obligations de transmission d’informations aux URSSAF. Les pratiques de paie et de déclaration doivent être rigoureusement alignées sur les plafonds et conditions fixés par le nouvel arrêté.

Le non-respect de l’une de ces conditions peut entraîner la réintégration de l’abattement dans l’assiette des cotisations et un redressement sur les montants correspondants.

Obligations employeur liées à l’Arrêté du 4 septembre 2025

L’arrêté du 4 septembre 2025, qui abroge et remplace la réglementation antérieure du 20 décembre 2002, systématise et clarifie les obligations de l’employeur en matière de gestion des frais professionnels. Au-delà des modalités de remboursement, le texte met l’accent sur quatre piliers administratifs fondamentaux : le recueil du consentement, le devoir d’information, la conservation rigoureuse des justificatifs et la précision des déclarations sociales. Le respect scrupuleux de ces obligations est la condition sine qua non pour sécuriser l’exonération de cotisations sociales sur les sommes versées et éviter tout risque de redressement par l’URSSAF.

Le recueil du consentement : une obligation renforcée

Le recueil du consentement du salarié n’est pas une simple formalité ; il constitue un prérequis juridique dans des situations précises, notamment pour l’application de la Déduction Forfaitaire Spécifique (DFS) tant qu’elle reste en vigueur.

  • Formalisme Impératif : Pour la DFS, l’employeur doit obtenir chaque année un consentement explicite et écrit du salarié. Ce consentement peut être intégré au contrat de travail ou à un avenant, mais à défaut, il doit faire l’objet d’un document distinct renouvelé annuellement.
  • Consentement Éclairé : L’accord du salarié ne peut être valide que s’il est « éclairé ». Cela signifie que l’employeur a l’obligation de lui avoir préalablement expliqué les conséquences, notamment la réduction de ses droits sociaux (retraite, indemnités journalières) du fait de la baisse de son salaire brut soumis à cotisations.
  • Charge de la Preuve : En cas de contrôle, la charge de la preuve du recueil du consentement pèse exclusivement sur l’employeur. L’absence d’un accord écrit, clair et daté est systématiquement sanctionnée par un redressement.

L’obligation d’information et de transparence

L’arrêté renforce le devoir général de transparence de l’employeur envers ses salariés et l’administration. Cette obligation dépasse le seul cadre de la DFS et s’applique à l’ensemble de la politique de gestion des frais professionnels.

Information des salariés

L’employeur doit s’assurer que les modalités de remboursement des frais (dépenses réelles ou allocations forfaitaires) sont claires et connues des salariés. La mention des montants et des calculs sur le bulletin de paie est une obligation légale qui participe à cette transparence.

Affichage obligatoire

De manière plus générale, l’employeur est tenu d’afficher dans les locaux de l’entreprise les informations relatives à ses obligations sociales, y compris celles concernant l’affiliation à l’URSSAF et les règles de déclaration des charges sociales, conformément aux dispositions réglementaires.

Conservation des justificatifs : une exigence de traçabilité

La capacité à justifier la nature et le montant des frais professionnels est au cœur du dispositif d’exonération. L’arrêté du 4 septembre 2025 maintient une exigence stricte de conservation des preuves, que le remboursement soit réel ou forfaitaire.

  • Remboursement aux frais réels : Pour chaque dépense remboursée, l’employeur doit conserver la facture ou le justificatif original prouvant la nature et le montant de la dépense engagée par le salarié dans l’intérêt de l’entreprise.
  • Allocations forfaitaires : Bien que dispensant de la production de factures pour chaque dépense, l’employeur doit pouvoir justifier les circonstances (déplacement, télétravail, etc.) qui ont conduit au versement de l’allocation forfaitaire. Par exemple, pour une indemnité de grand déplacement, il doit pouvoir prouver que le salarié était effectivement empêché de regagner son domicile.
  • Durée de conservation : L’ensemble des documents justificatifs (factures, preuves de déplacement, consentements écrits, etc.) doit être conservé pour une durée minimale de 6 ans, afin de pouvoir être présenté en cas de contrôle URSSAF.

Obligations déclaratives auprès de l’URSSAF

Toutes les sommes versées au titre des frais professionnels, qu’elles soient exonérées ou non, doivent être traitées correctement dans la Déclaration Sociale Nominative (DSN).

Transparence déclarative | L’employeur doit déclarer avec précision les montants versés au titre des frais professionnels et s’assurer de leur correcte qualification pour bénéficier des exonérations.  Une erreur de codification ou de déclaration peut entraîner la réintégration des sommes dans l’assiette des cotisations.  Justification des exonérations Le principe est que tout remboursement de frais est un élément de salaire soumis à cotisations, sauf si l’employeur prouve qu’il correspond à des dépenses professionnelles réelles et justifiées.  L’employeur doit être prêt à justifier à tout moment auprès de l’URSSAF le bien-fondé de chaque exonération appliquée.  Continuité des obligations  L’arrêté du 4 septembre 2025 reprend l’essentiel des dispositions antérieures, ce qui implique une continuité dans les obligations de transmission d’informations aux URSSAF.  Les pratiques de paie et de déclaration doivent être rigoureusement alignées sur les plafonds et conditions fixés par le nouvel arrêté.

En somme, l’employeur est le garant de la conformité de l’ensemble du processus, de l’information du salarié à la déclaration finale auprès de l’URSSAF. Une gestion administrative rigoureuse et documentée est la meilleure protection contre le risque de contentieux.

Conséquences financières et RH

 

La refonte du cadre réglementaire des frais professionnels par l’arrêté du 4 septembre 2025 contraint les employeurs à une réévaluation stratégique de leur politique de rémunération et de leurs processus RH. Au-delà de la simple mise en conformité administrative, il s’agit d’anticiper un impact budgétaire significatif et de prévenir les risques de contentieux avec l’URSSAF, qui se trouvent renforcés.

Évaluation de l’impact budgétaire global

L’impact financier de la réforme va au-delà de la seule suppression progressive de la Déduction Forfaitaire Spécifique (DFS). Les employeurs doivent modéliser une hausse structurelle de leurs charges sociales et adapter leur budget en conséquence.

  • Impact direct de la fin de la DFS : Pour les secteurs concernés (BTP, propreté, transport, etc.), la fin de l’abattement sur l’assiette des cotisations se traduit par une augmentation mécanique et progressive du coût du travail. Cette hausse doit être provisionnée annuellement en suivant le calendrier de réduction des taux jusqu’à leur extinction complète.
  • Revalorisation des plafonds d’exonération : L’arrêté réévalue plusieurs plafonds pour les allocations forfaitaires. Les entreprises doivent intégrer ces nouveaux seuils dans leur politique de frais pour continuer à bénéficier des exonérations. Par exemple, l’indemnité de repas en déplacement est fixée à 21,10 €, la restauration sur le lieu de travail à 7,40 € et l’indemnité de télétravail peut atteindre 13 € par mois par jour de télétravail hebdomadaire.
  • Coûts administratifs et de gestion : La complexité accrue des règles, notamment la nécessité de prouver les frais engagés même en cas de DFS ou de justifier les circonstances des allocations forfaitaires, engendre des coûts indirects. Ces coûts incluent le temps passé par les équipes RH et paie, la mise à jour des logiciels et potentiellement le recours à des conseils externes pour sécuriser les pratiques.

Adaptation nécessaire de la politique RH

La gestion des ressources humaines est en première ligne pour piloter la transition et en gérer les conséquences sociales. Une communication transparente et une adaptation des politiques internes sont cruciales pour maintenir un bon climat social.

Révision de la politique de rémunération

Pour les salariés qui bénéficiaient de la DFS, la fin du dispositif entraîne une baisse de leur salaire net (à salaire brut égal), puisque leurs cotisations salariales augmentent. Pour préserver le pouvoir d’achat et éviter des tensions, les employeurs devront envisager des stratégies de compensation.

  • Négociation de la rémunération : Une renégociation des salaires bruts pourrait s’avérer nécessaire pour maintenir le niveau de rémunération nette des salariés affectés.
  • Optimisation des remboursements : Les entreprises peuvent basculer vers une politique de remboursement des frais réels sur justificatifs, qui garantit une exonération de charges sans impacter les droits sociaux des salariés.
  • Communication et pédagogie : Les équipes RH ont un rôle essentiel à jouer pour expliquer aux salariés concernés l’impact de la fin de la DFS sur leur bulletin de paie et leurs droits futurs (retraite, IJSS), comme l’exige le devoir d’information de l’employeur.

Mise à jour des processus internes

La nouvelle réglementation impose une révision des chartes internes et des processus de gestion des frais.

  • Politique de déplacement et de télétravail : Les règles concernant les grands déplacements (exonération limitée à 5 ans) et le télétravail (nouveaux plafonds forfaitaires) doivent être intégrées dans les politiques de l’entreprise.
  • Automatisation et contrôle : Il devient stratégique de s’équiper d’outils de gestion des notes de frais permettant d’assurer la traçabilité, le respect des plafonds et la conservation numérique des justificatifs, qui doivent être gardés au minimum 6 ans.

Risques de non-conformité et pénalités potentielles

Le non-respect des conditions fixées par l’arrêté expose l’employeur à des risques financiers importants en cas de contrôle URSSAF. La charge de la preuve reposant entièrement sur l’employeur, toute approximation est risquée.

  • Redressement et réintégration : Le principal risque est la réintégration des sommes indûment exonérées dans l’assiette des cotisations sociales. Cela concerne aussi bien les abattements DFS appliqués sans consentement écrit que les allocations forfaitaires versées sans pouvoir justifier des circonstances.
  • Calcul des pénalités : Le redressement inclut le paiement des cotisations patronales et salariales éludées, auquel s’ajoutent des majorations de retard et potentiellement des pénalités pour travail dissimulé si le manquement est jugé intentionnel.
  • Contentieux et jurisprudence : La jurisprudence récente tend à être stricte, limitant la possibilité pour l’employeur de produire de nouvelles pièces justificatives en cours de contentieux pour contester un redressement. Une gestion documentaire irréprochable en amont est donc la seule véritable protection.

Recommandations et bonnes pratiques pour les employeurs

Pour les employeurs, la nouvelle réglementation sur les frais professionnels impose une double adaptation stratégique : anticiper la hausse des coûts sociaux due à la fin de la Déduction Forfaitaire Spécifique (DFS) et renforcer rigoureusement les processus administratifs pour sécuriser les exonérations et éviter les redressements. Il est essentiel de mettre en place des stratégies internes proactives pour maîtriser les impacts financiers et se conformer aux nouvelles exigences de traçabilité et de justification.

  • Anticiper la fin de la DFS par des accords collectifs : La suppression progressive de la DFS entre 2026 et 2038 augmentera mécaniquement les charges sociales pour les secteurs concernés. Les employeurs peuvent anticiper cet impact en négociant des accords collectifs pour redéfinir la politique de rémunération, par exemple en prévoyant une compensation salariale ou en basculant vers un système de remboursement des frais réels, plus sécurisé et sans impact sur les droits sociaux des salariés.
  • Former les gestionnaires de paie et les managers : La complexité des règles, notamment les conditions de cumul, les nouveaux plafonds d’exonération et les obligations de justification, nécessite une montée en compétence des équipes RH et paie. Une formation ciblée est indispensable pour garantir l’application correcte des règles dans la paie, éviter les erreurs déclaratives et assurer que les managers valident les notes de frais en conformité avec la politique de l’entreprise.
  • Optimiser la gestion des frais réels : Face à la disparition de la DFS, le remboursement des frais réels devient l’option la plus sûre pour exonérer les sommes versées de cotisations sociales. Il est recommandé de déployer des outils de gestion des notes de frais qui automatisent le contrôle des plafonds, facilitent la soumission des justificatifs et assurent leur archivage numérique sécurisé pour la durée légale de 6 ans, simplifiant ainsi la charge administrative et renforçant la traçabilité en cas de contrôle URSSAF.
  • Renforcer la communication interne : L’employeur a une obligation d’information claire envers ses salariés, notamment sur les conséquences de la fin de la DFS sur leur rémunération nette et leurs droits sociaux. Mettre en place une communication transparente et documenter les politiques de frais professionnels (via une charte de déplacement, un guide du télétravail, etc.) permet de sécuriser les pratiques et de maintenir un bon climat social.

Report congés payés maladie : arrêt Cour cassation 2025

DDADUE maladie

La Cour de cassation a rendu le 10 septembre 2025 un arrêt marquant qui bouleverse fondamentalement la gestion des congés payés en France. Dans cette décision historique, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire reconnaît désormais le droit pour un salarié tombant malade pendant ses congés payés de les reporter ultérieurement.

Nous avions déja évoqué cette situation dans notre article du 20 juillet 2025 : https://formulepaie.fr/arret-maladie-pendant-un-conge-une-situation-a-eclaircir/

Cette évolution jurisprudentielle met fin à une position constante depuis 1996, selon laquelle « le salarié qui tombe malade pendant ses congés payés est réputé avoir pris ses congés payés et ne peut prétendre ni à une prolongation de son congé ni à un report des congés payés correspondant à la période d’arrêt de travail ».

Désormais, le salarié en situation d’arrêt de travail pour cause de maladie survenue durant la période de congé annuel payé a le droit de bénéficier ultérieurement des jours de congé payé coïncidant avec la période d’arrêt de travail pour maladie, sous réserve que l’arrêt soit notifié à l’employeur.

L’articulation complexe avec la loi DDADUE du 22 avril 2024

Les apports complémentaires de la loi DDADUE

La loi n°2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) avait déjà partiellement aligné le droit français sur les exigences européennes. Cette réforme a introduit des règles précises d’acquisition des congés payés pendant les arrêts de travail.

Pour les maladies non professionnelles : acquisition de 2 jours ouvrables par mois (soit 24 jours maximum par an), contre 2,5 jours en temps normal. Cette limitation représente 80% des droits habituels, dans le respect du minimum européen de 4 semaines.

Pour les accidents du travail et maladies professionnelles : maintien de l’acquisition de 2,5 jours ouvrables par mois sans limitation de durée

Une lacune comblée par la jurisprudence

Cependant, la loi DDADUE était restée silencieuse sur le sort des congés payés lorsque la maladie survient pendant leur prise effective. L’arrêt du 10 septembre 2025 comble cette lacune en consacrant le principe du report, avec une période maximale de 15 mois prévue par la loi DDADUE.

Cette articulation crée un système cohérent où les salariés peuvent à la fois acquérir des congés pendant leur maladie et les reporter s’ils tombent malades pendant leurs vacances, garantissant ainsi un repos effectif conforme aux exigences européennes.

La pression européenne : une mise en demeure déterminante

La procédure d’infraction du 18 juin 2025

L’arrêt de la Cour de cassation s’inscrit dans un contexte de forte pression européenne. Le 18 juin 2025, la Commission européenne a adressé une lettre de mise en demeure à la France pour manquement aux règles de l’Union européenne sur le temps de travail. La Commission reprochait à la France de ne pas garantir « que les travailleurs qui tombent malades pendant leur congé annuel puissent récupérer ultérieurement les jours de congé annuel qui ont coïncidé avec leur maladie

Cette procédure d’infraction, basée sur la directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail, donnait à la France un délai de deux mois pour se conformer au droit européen. L’arrêt du 10 septembre, rendu dans ce délai critique, constitue une réponse directe à cette mise en demeure.

La jurisprudence européenne comme référence

La Cour de cassation s’appuie explicitement sur l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88/CE et la jurisprudence constante de la Cour de justice de l’Union européenne. Notamment l’arrêt Anged du 21 juin 2012 (C-78/11), qui précise que « le moment où est survenue ladite incapacité est dépourvu de pertinence », qu’elle survienne avant ou pendant le congé

Implications majeures pour les services des ressources humaines

Adaptation organisationnelle immédiate ?

Les départements RH font face à des défis opérationnels considérables. L’obligation d’accepter le report devient immédiate, nécessitant une révision complète des procédures internes. Les entreprises doivent notamment adapter leurs logiciels de paie et de gestion des temps et activités (GTA) pour intégrer automatiquement cette nouvelle règle.

Faut il pour autant, se précipiter pour donner raison à toute demande d’un salarié, en l’absence d’une réglementation clairemment définie par le code du travail ?

Certainemement pour éviter un contentieux mais l’adaptation organisationnelle globale doit s’effectuer sur une base réglementaire solide et pérenne.

La formation des équipes RH deviendra alors nécessaire pour maîtriser les subtilités de cette évolution, notamment la distinction entre les différents types d’arrêts et leurs conséquences sur les droits à congés. Le suivi renforcé des notifications d’arrêts maladie pendant les congés constitue également un enjeu majeur, la notification à l’employeur étant la condition sine qua non du droit au report

Risques contentieux et gestion des régularisations

Les services RH doivent anticiper un risque accru de litiges. Les salariés peuvent désormais contester tout refus ou omission de report en s’appuyant sur la jurisprudence européenne et française. Certains salariés pourraient également introduire des demandes de rappels de congés payés dans un cadre amiable ou contentieux.

La gestion des demandes de régularisation rétroactives représente un défi particulier. Bien que la loi DDADUE prévoie un délai de forclusion de deux ans à compter de sa publication, les entreprises doivent se préparer à traiter des demandes concernant des périodes antérieures

Communication et accompagnement du changement

Les RH devront mettre en place une communication transparente aux salariés sur leurs nouveaux droits, tout en expliquant les modalités pratiques d’exercice de ces droits. Cette communication doit être particulièrement soignée pour éviter les incompréhensions et les contentieux.

La stratégie de limitation du pouvoir exécutif

Une volonté affichée de tempérer les effets

Face aux implications financières considérables de cette évolution jurisprudentielle, le pouvoir exécutif a développé une stratégie de limitation des effets. Cette approche s’est concrétisée dès l’avis du Conseil d’État du 13 mars 2024, sollicité par le Premier Ministre Gabriel Attal

Le Conseil d’État a validé la possibilité de limiter à 4 semaines par an les congés payés acquis par un salarié en arrêt maladie d’origine non professionnelle, soit 80% des droits normaux. Cette limitation s’appuie sur le fait que la directive européenne n’impose qu’un minimum de 4 semaines, alors que le droit français prévoit 5 semaines

Les garde-fous de la loi DDADUE

La loi du 22 avril 2024 a intégré plusieurs mécanismes de limitation :

Plafonnement des acquisitions : 2 jours ouvrables par mois pour les maladies non professionnelles, contre 2,5 en temps normal.

Délai de forclusion : fixation d’une période de 2 ans pour introduire des actions concernant des périodes antérieures au 1er décembre 2009

Report limité : période maximale de 15 mois pour exercer le droit au report

Une distinction assumée entre types d’arrêts

Le gouvernement maintient une différenciation entre les accidents du travail/maladies professionnelles (2,5 jours par mois) et les maladies simples (2 jours par mois). Cette distinction, validée par le Conseil d’État, vise à équilibrer protection sociale et soutenabilité économique pour les entreprises

Perspectives d’évolution et enjeux futurs

Vers une modification législative nécessaire

Bien que l’arrêt du 10 septembre réponde partiellement à la mise en demeure européenne, une modification du Code du travail semble inévitable. Le législateur devra explicitement consacrer le droit au report des congés en cas de maladie pendant leur prise, en définissant précisément les modalités d’exercice et les conditions.

L’impact sur la compétitivité des entreprises

Cette évolution soulève des interrogations sur l’impact économique pour les employeurs, particulièrement les TPE et PME. Les organisations patronales, notamment le Syndicat des indépendants, alertent sur les risques de « destruction de l’emploi ». La délégation aux entreprises du Sénat a d’ailleurs saisi le ministre du Travail.

Un équilibre délicat à maintenir

L’enjeu pour les pouvoirs publics consiste à maintenir un équilibre entre la protection des droits des salariés, exigée par le droit européen, et la préservation de la compétitivité des entreprises françaises. La stratégie de limitation mise en œuvre par le gouvernement témoigne de cette recherche d’équilibre, mais son efficacité à long terme reste à démontrer.

Conclusion

L’arrêt du 10 septembre 2025 marque une étape décisive dans l’harmonisation du droit français avec les standards européens de protection sociale. Pour les services RH, cette évolution impose une adaptation rapide et structurée, nécessitant une approche proactive pour maîtriser les risques tout en respectant les nouveaux droits des salariés. La tension entre les exigences européennes et la volonté gouvernementale de limitation des effets continuera probablement d’alimenter les débats dans les mois à venir.