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Du bon usage des sanctions disciplinaires

Appliquer les sanctions disciplinaires avec discernement, tant dans le choix des sanctions que dans leur communication, revêt une importance majeure. Le réseau ORPI est actuellement en train d’en faire l’amère expérience.

Les faits

Deux salariés du réseau ORPI ont, sur leur lieu de travail à Paris, eu une altercation avec une élue de la République qui a été insultée.

Celle-ci a interpellé, le jour même, la direction d’ORPI qui, en fin de journée, a produit un communiqué informant notamment du licenciement des deux salariés fautifs.

L’ensemble des faits s’est déroulé le vendredi 27 juin.

La procédure de licenciement non respectée ?

Sur le fond, insulter sur son lieu de travail un ou une élue constitue une faute grave, et la décision de licencier les salariés incriminés n’est pas choquante. Cependant, la direction d’ORPI ne semble pas avoir pris conscience de la portée de sa décision.

Le licenciement répond à un certain formalisme.

La procédure de licenciement pour motif personnel, y compris pour faute grave, impose des délais stricts à respecter par l’employeur.

Voici les étapes et les délais à respecter :

1. Convocation à l’entretien préalable : L’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception ou remise en main propre. Un délai minimum de cinq jours ouvrables doit s’écouler entre la présentation de cette convocation et la date de l’entretien.

2. Entretien préalable : Lors de cet entretien, l’employeur expose les motifs du licenciement envisagé et écoute les explications du salarié. Il est important de ne pas annoncer la décision de licencier le salarié à la fin de cet entretien, car cela pourrait être considéré comme un licenciement verbal, jugé sans cause réelle et sérieuse.

3. Notification du licenciement : La décision de licenciement doit être notifiée au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception. Cette notification doit être envoyée au plus tôt deux jours ouvrables après la date de l’entretien préalable, et au plus tard un mois après cet entretien.

Un licenciement pour faute grave ne peut pas être décidé et communiqué au salarié le jour même où la faute est commise.

Clairement, il apparaît ici que la procédure n’a pas été respectée.

Le réseau ORPI a subi une forte atteinte à son image, mais celle-ci peut encore se dégrader si les salariés licenciés attaquent aux prud’hommes.

Pour des raisons de forme, ils ont de sérieuses chances de succès, et la polarisation autour de cette décision à venir, nuira considérablement au réseau ORPI.

Une erreur de communication ?

L’enchaînement des événements de cette journée du vendredi 27 juin 2025 est délicat et maladroit de la part du réseau ORPI.

La direction d’ORPI est interpellée sur les réseaux sociaux par l’élue victime d’insultes.

C’est en fin de journée que le réseau ORPI répond par un communiqué actant le licenciement des deux salariés. Par la suite, ORPI reçoit un tweet de remerciement.

La direction d’ORPI aurait dû faire preuve de sobriété dans sa réponse, indiquant que les deux salariés en cause seraient prochainement sanctionnés.

Le fait d’indiquer publiquement et le jour même la nature de la sanction semble indiquer qu’ORPI recherche l’approbation de la victime.

Or l’élue, victime des insultes, a depuis deux ou trois ans un comportement très clivant avec un rapport ambigu à l’antisémitisme.

En recherchant de façon précipitée et excessive l’assentiment de cette élue, le réseau ORPI laisse de nombreux observateurs perplexes.

La décision est juridique, mais beaucoup, compte tenu de la communication maladroite d’ORPI, peuvent lui prêter une dimension politique sur un sujet extrêmement polarisant.

Conseil pour une sortie de crise

Certaines agences ORPI risquent d’être prises pour cible à l’avenir par des individus malveillants. Il est urgent de sortir de ce contexte malencontreux.

Deux mesures s’imposent :

* Verser des indemnités transactionnelles substantielles aux deux salariés licenciés pour les dissuader d’aller aux prud’hommes.

* Faire comprendre à l’opinion publique que la décision prise n’est qu’une décision disciplinaire et qu’elle n’a pas de caractère politique. Pour cela, un don significatif auprès d’une association engagée dans la lutte contre l’antisémitisme ou le parrainage d’un événement sur cette thématique serait habile pour déminer la situation dans laquelle s’est mis le réseau ORPI.

D’une manière générale, une décision RH ne doit jamais être prise dans la précipitation, sous la pression médiatique.

Bonus de rétention : Définition, fréquence, efficacité et alternatives

fidélisation

un bonus de rétention, aussi appelé prime de fidélisation ou prime de maintien, est une compensation financière significative versée à un salarié à une date fixée à l’avance, à condition qu’il fasse toujours partie des effectifs de l’entreprise à cette échéance.

Contrairement à d’autres primes, elle ne récompense pas une performance passée mais vise à garantir la présence du salarié dans l’entreprise pour une période déterminée, souvent entre 12 et 24 mois. Si l’employé quitte l’entreprise avant la date prévue, il perd tout ou partie de la prime selon les clauses contractuelles.

Mise en place et fréquence des bonus de rétention

La pratique des bonus de rétention s’est développée dans un contexte de marché du travail tendu, marqué par la pénurie de talents et une forte concurrence entre employeurs. Elle est particulièrement fréquente dans les secteurs où les compétences sont rares ou lors de périodes de transition (fusion, restructuration, projet stratégique, etc.). Toutefois, toutes les entreprises n’y ont pas recours : la prime de rétention cible généralement les collaborateurs clés dont le départ pourrait nuire à la continuité des opérations ou à la réussite de projets critiques.

Efficacité des bonus de rétention

Les primes de rétention peuvent être efficaces pour sécuriser temporairement la présence de salariés essentiels, notamment lors de périodes de changement ou de risque accru de départs. Elles offrent un levier financier direct et envoient un signal de reconnaissance aux employés concernés, renforçant ainsi leur sentiment de valorisation et leur engagement à court terme. Cependant, leur efficacité est limitée : une fois la période couverte par la prime écoulée, certains salariés peuvent choisir de partir, la prime ayant fixé une « date de péremption » à leur fidélité. Par ailleurs, la satisfaction au travail, les perspectives d’évolution et la qualité de l’environnement professionnel restent des facteurs déterminants pour la fidélisation à long terme.

Optimiser la pratique du bonus de rétention

Pour maximiser l’impact d’un programme de bonus de rétention, il est essentiel de :

  • Identifier précisément les talents stratégiques à retenir, plutôt que de généraliser la pratique à tous les salariés.

  • Définir des critères d’attribution clairs, mesurables et transparents (durée de présence, rôle clé, compétences rares, etc.).

  • Adapter le montant et la nature de la prime au profil et aux attentes du salarié (montant généralement entre 10 % et 25 % du salaire annuel, mais aussi avantages non financiers comme des formations ou des promotions).

  • Communiquer ouvertement sur les objectifs du dispositif et les attentes de l’entreprise.

  • Intégrer la prime de rétention dans une politique RH globale, en complément d’autres leviers de fidélisation.

Alternatives et stratégies complémentaires pour fidéliser les salariés

Le bonus de rétention ne doit pas être le seul outil de fidélisation. D’autres stratégies, souvent plus efficaces sur le long terme, incluent :

  • Développer une culture d’entreprise forte et partagée, source de sens et d’engagement.

  • Offrir des perspectives d’évolution professionnelle et des formations continues.

  • Mettre en place des politiques de reconnaissance et de récompense (feedback, primes de performance, reconnaissance par les pairs).

  • Proposer des conditions de travail flexibles : télétravail, horaires aménagés, équilibre vie professionnelle/vie personnelle.

  • Favoriser un environnement de travail positif et bienveillant, où les managers jouent un rôle clé dans l’épanouissement des équipes.

  • Développer des programmes d’avantages sociaux attractifs (santé, bien-être, réductions, etc.).

En résumé, le bonus de rétention est un outil utile pour sécuriser la présence de collaborateurs clés à court terme, mais il doit s’inscrire dans une stratégie globale de fidélisation, centrée sur la reconnaissance, le développement et l’engagement durable des talents.

Examen de conformité sociale : une nouvelle étape franchie dans la simplification de la vie économique

Le 17 juin 2025, l’Assemblée nationale a adopté en première lecture le projet de loi de simplification de la vie économique, incluant la création d’un examen de conformité sociale. Retour sur une mesure phare destinée à sécuriser les pratiques sociales des entreprises et à réduire les risques de contentieux.

Qu’est-ce que l’examen de conformité sociale ?

L’examen de conformité sociale (ECS) est un dispositif inédit, inspiré de l’examen de conformité fiscale (ECF), qui offre aux entreprises la possibilité de faire auditer volontairement leurs pratiques sociales par un prestataire agréé. L’objectif : vérifier la conformité de leurs déclarations, cotisations, application des conventions collectives et autres obligations sociales, afin de sécuriser leur situation en amont d’un éventuel contrôle

Accessible à toutes les entreprises, l’ECS n’est pas obligatoire et ne suspend pas les sanctions en cas d’infraction, mais il pourra être pris en compte par l’administration dans l’évaluation de la bonne foi de l’employeur. Ce nouvel outil s’inscrit dans la continuité du droit à l’erreur et vient compléter les dispositifs existants comme le rescrit social ou la visite conseil de l’Urssaf


Un parcours législatif mouvementé

Le projet de loi de simplification de la vie économique, porté initialement par le gouvernement Attal en avril 2024, a connu de nombreux rebondissements : dissolution de l’Assemblée nationale, changement de gouvernement, puis reprise des débats au printemps 2025. Après un examen approfondi et de nombreux amendements, dont celui sur l’ECS, le texte a finalement été adopté à une courte majorité par les députés (275 voix pour, 252 contre)

Le texte doit désormais passer en commission mixte paritaire (CMP), où sénateurs et députés tenteront de s’accorder sur une version commune. En cas d’accord, le texte sera définitivement voté ; sinon, il retournera devant le Parlement pour une nouvelle lecture


Quels avantages pour les entreprises ?

  • Sécurisation juridique : l’ECS permet d’anticiper les risques liés à des erreurs de déclaration ou d’interprétation des normes sociales

  • Réduction des contentieux : un audit préalable limite les risques de litiges avec l’administration.

  • Souplesse et volontariat : le dispositif est facultatif et accessible à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur ou leur taille

  • Prise en compte par l’administration : en cas de contrôle, la réalisation d’un ECS pourra jouer en faveur de l’entreprise, sans garantir pour autant une exonération systématique des sanctions


Comment fonctionne l’examen de conformité sociale ?

  • L’entreprise sollicite un audit externe auprès d’un prestataire agréé.

  • L’audit porte sur la conformité des pratiques sociales : sécurité sociale, cotisations, déclarations, conventions collectives, etc.

  • En cas d’anomalie, l’entreprise peut corriger sa situation avant tout contrôle administratif.

  • Les modalités précises seront fixées par décret et arrêté ministériel, à l’issue de l’adoption définitive du projet de loi


Et après ?

L’examen de conformité sociale, s’il est définitivement adopté, constituera un outil supplémentaire pour accompagner les entreprises dans la maîtrise de leurs obligations sociales. Il s’inscrit dans une logique de simplification, de prévention et de dialogue entre entreprises et administration.

Le projet de loi de simplification de la vie économique, enrichi de cette mesure, poursuit désormais son parcours législatif. Sa version finale pourrait être adoptée dès la session extraordinaire de juillet ou à la rentrée de septembre, selon l’issue des discussions parlementaires


 

  1. https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17t0144_texte-adopte-provisoire