
La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) 2025 introduit un tournant dans la fiscalité appliquée aux contrats d’apprentissage. Avec la publication du Bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) du 10 avril 2025, les employeurs disposent désormais d’un cadre clarifié pour appliquer ces nouvelles règles. Décryptage des impacts concrets sur la gestion des apprentis.
Un resserrement des exonérations sociales
Jusqu’en février 2025, les rémunérations des apprentis bénéficiaient d’une exonération de cotisations salariales dans la limite de 79 % du SMIC, ainsi que d’une exonération totale de CSG et CRDS. La réforme opère une double restriction pour les contrats débutant à compter du 1er mars 2025 :
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- L’exonération des cotisations salariales (retraite complémentaire incluse) plafonne désormais à 50 % du SMIC mensuel, selon l’article L. 6243-2 du Code du travail modifié.
- La CSG et la CRDS s’appliquent à la fraction de rémunération excédant ce seuil de 50 %, après abattement de 1,75 % pour frais professionnels.
Cette évolution réduit mécaniquement les économies réalisables par les employeurs, notamment dans les secteurs où les rémunérations des apprentis approchent ou dépassent le SMIC.
Les précisions clés du BOSS pour éviter les erreurs de calcul
► La date d’exécution du contrat, critère déterminant
Contrairement à ce que laissait supposer la lettre de la loi, c’est bien la date de début d’exécution du contrat – et non sa date de signature – qui détermine le régime applicable. Ainsi, un contrat signé le 15 février 2025 mais prenant effet le 2 mars relèvera intégralement des nouvelles règles. À l’inverse, un avenant conclu en avril 2025 sur un contrat initié en janvier conserve le plafond à 79 % du SMIC.
► Une assiette de calcul mensuelle et non annualisée
Le BOSS confirme que le seuil de 50 % du SMIC s’apprécie mois par mois, sans possibilité de régularisation annuelle. La valeur retenue est celle du SMIC en vigueur durant le mois concerné. En cas d’embauche ou de rupture en cours de mois, la limite se proratise au nombre de jours calendaires travaillés. Par exemple, un apprenti recruté le 15 juillet 2025 verra son plafond calculé à hauteur de 16/31e du SMIC mensuel.
► Les contributions patronales dans le viseur
Si la rémunération brute dépasse 50 % du SMIC, les contributions patronales versées au titre de régimes de prévoyance ou de retraite supplémentaire deviennent assujetties à CSG/CRDS. À l’inverse, ces éléments restent exonérés lorsque le brut social reste sous le seuil. Une subtilité qui nécessite une vigilance accrue dans les entreprises proposant des avantages annexes.
Taxe sur les salaires : un piège à anticiper
L’assujettissement à la CSG entraîne automatiquement une taxe sur les salaires pour les entreprises de plus de 10 salariés. Le BOSS précise que cette taxe se calcule sur la base hors abattement de 1,75 %, ce qui alourdit la charge pour les employeurs concernés.
Les TPE de moins de 10 salariés bénéficient d’une exonération totale de cette taxe, mais l’administration n’a pas encore clarifié la méthode de calcul de l’effectif – une incertitude à suivre dans les prochaines circulaires.
Heures supplémentaires et complémentaires : un traitement spécifique
La réduction de cotisations salariales sur les heures supplémentaires reste cumulable avec le nouveau dispositif. Son calcul intègre désormais la limite de 50 % du SMIC.
Cette complexité impose aux services RH de revoir leurs outils de calcul, notamment pour les secteurs avec une activité cyclique (hôtellerie, événementiel…).
Forfait social et éléments connexes : les zones d’ombre persistantes
Le BOSS reste silencieux sur le forfait social, pourtant crucial pour les entreprises proposant des régimes de prévoyance ou intéressement. La doctrine antérieure s’applique donc :
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- 8 % de contributions dues sur les avantages complémentaires (prévoyance, retraite supplémentaire) dans les entreprises de 11 salariés et plus
- Aucune exemption pour les primes de participation ou abondements PEE, même si la rémunération de base est inférieure à 50 % du SMIC
Conclusion : vers une gestion plus technique des contrats d’apprentissage
Avec un taux d’exonération divisé par 1,58 (79 % à 50 %), la réforme modifie l’équation économique de l’apprentissage. Les services financiers devront :
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- Recalculer le coût réel des contrats en intégrant CSG/CRDS et taxe sur les salaires
- Mettre à jour les logiciels de paie pour gérer les proratisations et seuils mensuels
- Auditer les régimes complémentaires pour anticiper l’assiette sociale étendue
Ces changements interviennent dans un contexte de rationalisation des aides à l’apprentissage, invitant les entreprises à repenser leur stratégie de recrutement pour maintenir l’attractivité de ces contrats. La prochaine étape ? Une possible clarification du calcul de l’effectif pour la taxe sur les salaires, attendue dans une future mise à jour du BOSS.