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Individualisation de la Sanction Disciplinaire

Sanctions disciplinaires

L’arrêt rendu par la Cour de cassation le 17 septembre 2025 (pourvoi n° 23-22.456) réaffirme un principe fondamental du droit disciplinaire : l’employeur dispose d’un pouvoir d’individualisation des sanctions disciplinaires. Cette décision confirme qu’une même faute commise par plusieurs salariés peut légitimement donner lieu à des sanctions différenciées, sans constituer pour autant une discrimination prohibée.​

Dans cette affaire, trois travailleuses familiales d’une association d’aide à l’enfance avaient tardé à signaler des suspicions d’abus sexuels sur mineurs. Deux d’entre elles furent licenciées pour faute grave, tandis que la troisième ne reçut qu’un avertissement. La salariée licenciée contestait cette différence de traitement, invoquant une discrimination ​

Les fondements juridiques de l’individualisation

L’origine jurisprudentielle du pouvoir d’individualisation

Le pouvoir d’individualisation des sanctions disciplinaires constitue une prérogative reconnue de longue date à l’employeur par la jurisprudence. L’arrêt fondateur du 15 mai 1991 avait posé les premiers jalons de cette doctrine en admettant qu’un employeur puisse licencier certains grévistes pour faute lourde tout en se contentant d’infliger une mise à pied disciplinaire à d’autres participants aux mêmes actes

Cette jurisprudence a été constamment réaffirmée, la Cour de cassation précisant que le fait de sanctionner différemment des salariés ne constitue pas en soi une discrimination au sens de l’article L. 1132-1 du Code du travail​

Les modalités d’exercice du pouvoir d’individualisation

L’individualisation peut prendre diverses formes dans son application pratique ​

  • L’employeur peut choisir de prononcer des sanctions de gravité différente à l’encontre de salariés ayant commis des faits identiques, allant du simple avertissement au licenciement pour faute grave ou lourde

  • Il peut également décider de ne sanctionner que certains salariés tout en épargnant d’autres participants à la même faute​

  • Cette liberté s’étend même aux situations où l’employeur renonce à licencier un salarié protégé bien qu’ayant obtenu l’autorisation administrative​

Les conditions d’exercice légitime de l’individualisation

L’exigence de critères objectifs

L’arrêt du 17 septembre 2025 illustre parfaitement la nécessaire justification objective des différences de traitement. La Cour de cassation a validé la différenciation des sanctions en relevant des éléments factuels distincts : la salariée moins sévèrement sanctionnée ne suivait plus la famille concernée depuis septembre 2019 et ne pouvait donc être tenue responsable du défaut de signalement des éléments apparus en janvier et février 2020​

Les critères objectifs de différenciation reconnus

La jurisprudence a identifié plusieurs critères pouvant justifier une individualisation des sanctions ​

  • L’ancienneté respective des salariés constitue un facteur légitime de différenciation

  • Les comportements respectifs lors de la commission des faits fautifs

  • Le degré d’implication dans les faits reprochés

  • La fonction occupée par chacun des salariés

  • Le passé disciplinaire ou professionnel du salarié​

  • Les circonstances particulières entourant chaque situation individuelle

Les limites au pouvoir d’individualisation

L’interdiction des discriminations prohibées

Le pouvoir d’individualisation trouve sa première limite dans l’interdiction absolue des discriminations fondées sur les critères prohibés par l’article L. 1132-1 du Code du travail. Cette disposition interdit notamment toute sanction fondée sur l’origine, le sexe, les mœurs, la situation de famille, les opinions politiques, l’appartenance syndicale, l’âge, l’apparence physique, les convictions religieuses, l’état de santé ou le handicap.​

La jurisprudence veille strictement au respect de cette prohibition, exigeant que les différences de traitement reposent sur des éléments objectifs et légitimes.​

L’absence de détournement de pouvoir

L’exercice du pouvoir d’individualisation ne doit pas procéder d’un détournement de pouvoir de la part de l’employeur. Cette condition impose que l’utilisation différenciée du pouvoir disciplinaire soit guidée par l’intérêt de l’entreprise et non par des considérations personnelles telles que l’animosité ou la vengeance.​

Toutefois, la charge de la preuve du détournement de pouvoir repose entièrement sur le salarié qui l’invoque. Cette exigence probatoire constitue une protection significative pour l’employeur, le salarié devant démontrer que la différence de traitement procède de motivations illégitimes.​

L’évolution vers une plus grande liberté patronale

L’assouplissement des exigences jurisprudentielles

La jurisprudence a considérablement assoupli les conditions d’exercice du pouvoir d’individualisation depuis les arrêts fondateurs de 1991. Initialement, la Cour de cassation exigeait que l’employeur justifie les critères retenus pour opérer une différence de sanction. Cette obligation a progressivement été abandonnée, les arrêts ultérieurs n’imposant plus à l’employeur de motiver systématiquement ses choix disciplinaires.​

Le maintien des garde-fous essentiels

Malgré cette libéralisation, certains garde-fous demeurent pour protéger les droits fondamentaux des salariés :​

  • L’interdiction des discriminations prohibées reste absolue et constitue une limite infranchissable

  • L’exigence d’absence de détournement de pouvoir, bien que d’application pratique limitée, conserve sa fonction protectrice

  • Le principe de proportionnalité continue de s’appliquer​

Les enseignements pratiques de l’arrêt

Les bonnes pratiques pour l’employeur

L’arrêt du 17 septembre 2025 enseigne aux employeurs plusieurs bonnes pratiques :​

  1. Documenter les différences factuelles entre les situations individuelles

  2. S’appuyer sur des critères objectifs et professionnels

  3. Éviter toute référence aux critères discriminatoires prohibés

  4. Justifier les décisions par l’intérêt de l’entreprise

Les droits du salarié sanctionné

Pour le salarié qui conteste une différence de traitement disciplinaire, l’arrêt rappelle que :​

  • La simple différence de sanction ne constitue pas en soi une discrimination

  • Il appartient au salarié de prouver le caractère discriminatoire ou le détournement de pouvoir

  • Les circonstances factuelles distinctes peuvent légitimement justifier des sanctions différenciée

Licenciement et indemnité de dédit-formation

Dans un arrêt du 17 septembre 2025, la Cour de cassation a clarifié définitivement une question qui divisait la jurisprudence : l’indemnité de dédit-formation ne peut jamais être exigée en cas de licenciement, même lorsqu’il est prononcé pour faute grave. Cette décision marque un tournant dans l’interprétation des clauses de dédit-formation et renforce la protection des salariés face aux tentatives de récupération des frais de formation par les employeurs.

La clause de dédit-formation, devenue courante dans les entreprises investissant massivement dans la formation de leurs salariés, trouve désormais ses limites clairement définies. Cette jurisprudence établit une distinction nette entre l’initiative de la rupture du contrat de travail et son imputabilité, confirmant que seule la première compte pour l’application de ces clauses contractuelles.

La clause de dédit-formation : principe et conditions de validité

Définition et objectif de la clause de dédit-formation

La clause de dédit-formation est une stipulation contractuelle par laquelle le salarié s’engage à rester dans l’entreprise pendant une durée déterminée après avoir bénéficié d’une formation financée par l’employeur. En contrepartie de cet investissement formatif, le salarié accepte de rembourser tout ou partie des frais engagés s’il quitte l’entreprise avant l’échéance prévue.

Cette clause présente un double objectif : d’une part, elle permet à l’employeur de sécuriser son investissement en formation et d’amortir les coûts engagés ; d’autre part, elle constitue un mécanisme incitatif pour fidéliser les salariés ayant bénéficié de formations qualifiantes.

Les conditions légales de validité

Pour être valable, la clause de dédit-formation doit respecter des conditions strictes établies par la jurisprudence :

L’écrit préalable : La clause doit être signée avant le début de la formation et faire l’objet d’une convention particulière précisant la nature, la durée, le coût réel de la formation ainsi que les modalités de remboursement.

La proportionnalité : L’indemnité prévue doit être proportionnée aux frais réellement engagés par l’employeur, excluant les rémunérations perçues pendant la formation. Les coûts pris en compte ne peuvent inclure que les dépenses supplémentaires dépassant les obligations légales ou conventionnelles de l’employeur.

La préservation du droit de démissionner : La clause ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de sa faculté de démissionner. Sa durée et son montant doivent rester raisonnables.

Les formations concernées et exclues

La clause de dédit-formation ne peut s’appliquer qu’aux formations dont le coût dépasse les dépenses légales ou conventionnelles imposées à l’employeur. Sont notamment exclues les formations relevant du plan de développement des compétences obligatoires, celles financées par les OPCO, les collectivités territoriales ou l’État.

Le Code du travail interdit expressément l’application de ces clauses aux salariés en contrat de professionnalisation, reconnaissant la nature formatrice inhérente de ce type de contrat.

L’arrêt de la Cour de cassation du 17 septembre 2025 : une jurisprudence clarifiée

Les faits de l’espèce

L’affaire jugée par la Cour de cassation concernait un salarié, personnel navigant technique d’une compagnie aérienne polynésienne, qui avait bénéficié d’une formation qualifiante d’un coût supérieur à 3,9 millions de francs CFP. Son contrat de travail prévoyait le remboursement proratisé de la formation « en cas de rupture de son fait »

Licencié pour faute grave, le salarié s’est vu retenir 400 000 francs CFP sur son dernier salaire au titre de l’indemnité de dédit-formation. L’employeur justifiait cette retenue en considérant que la faute grave rendait la rupture imputable au salarié, activant ainsi la clause contractuelle.

La position des juges d’appel

Dans un premier temps, la cour d’appel avait validé cette retenue, estimant que le licenciement pour faute grave rendait le salarié responsable de la rupture du contrat de travail. Cette interprétation s’appuyait sur l’idée que la faute commise par le salarié constituait la cause directe de son licenciement.

Cette position reflétait une certaine confusion jurisprudentielle qui persistait depuis un arrêt de 2005 où la Cour de cassation avait semblé admettre l’application d’une clause de dédit-formation en cas de licenciement pour faute grave.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation a cassé l’arrêt d’appel, réaffirmant avec force que « une clause de dédit-formation ne peut être mise en œuvre lorsque la rupture du contrat de travail est imputable à l’employeur ». Elle précise que même si la faute rend la rupture imputable au salarié, l’initiative en revient à l’employeur, ce qui suffit à écarter l’application de la clause.

Cette décision établit définitivement que l’initiative prime sur l’imputabilité dans l’application des clauses de dédit-formation. Peu importe que le comportement du salarié ait justifié le licenciement : dès lors que l’employeur prend l’initiative de rompre le contrat, la clause devient inapplicable.

Initiative vs imputabilité : une distinction fondamentale

La différence entre initiative et imputabilité de la rupture

La jurisprudence de 2025 consacre une distinction conceptuelle majeure entre deux notions souvent confondues : l’initiative de la rupture et son imputabilité. L’initiative désigne la partie qui décide effectivement de mettre fin au contrat de travail, tandis que l’imputabilité concerne la responsabilité des circonstances ayant conduit à cette rupture.

Dans le cas d’un licenciement pour faute grave, l’imputabilité peut certes être attribuée au salarié en raison de son comportement fautif, mais l’initiative de la rupture reste entièrement du côté de l’employeur qui décide de licencier. Cette distinction évite toute instrumentalisation de la clause de dédit-formation comme moyen de récupération financière déguisé.

Les cas d’application de la clause de dédit-formation

La clause de dédit-formation ne peut s’appliquer que lorsque la rupture émane de l’initiative du salarié. Les situations concernées incluent :

  • La démission classique du salarié

  • La rupture de la période d’essai à l’initiative du salarié

  • La prise d’acte de la rupture produisant les effets d’une démission

  • La résiliation judiciaire aux torts de l’employeur mais à la demande du salarié, si elle produit les effets d’une démission

Dans tous ces cas, le salarié assume pleinement sa décision de quitter l’entreprise, justifiant l’activation de la clause de dédit-formation selon les modalités contractuelles prévues.

Les situations d’exclusion

Inversement, la clause ne peut jamais s’appliquer lorsque la rupture est à l’initiative de l’employeur, quelles que soient les circonstances :

  • Tous types de licenciement (économique, personnel, pour faute simple, grave ou lourde)

  • La rupture conventionnelle, considérée comme une rupture d’un commun accord n’étant imputable à aucune des parties

  • La résiliation judiciaire aux torts du salarié mais prononcée par le juge

Cette jurisprudence protège efficacement les salariés contre les tentatives de contournement par des employeurs qui chercheraient à récupérer leurs investissements formation par le biais de licenciements stratégiques.

Conséquences pratiques pour les employeurs et les salariés

Impact sur la rédaction des clauses de dédit-formation

Cette jurisprudence impose une révision complète des pratiques contractuelles. Les employeurs ne peuvent plus espérer récupérer leurs investissements formation par le biais de licenciements, même justifiés par des fautes graves. Les clauses de dédit-formation doivent désormais être rédigées en acceptant cette limitation fondamentale.

Certains praticiens s’interrogent néanmoins sur la possibilité de rédiger des clauses prévoyant expressément l’application en cas de licenciement pour faute. Cependant, la fermeté de l’arrêt de 2025 suggère que même une stipulation contractuelle explicite ne pourrait contourner ce principe jurisprudentiel

Recommandations pour les employeurs

Face à cette jurisprudence, les employeurs doivent repenser leur stratégie de sécurisation des investissements formation. Plusieurs recommandations s’imposent :

Sélection rigoureuse des bénéficiaires : L’investissement formation devenant moins sécurisé juridiquement, une évaluation préalable approfondie du potentiel de fidélisation des salariés devient cruciale.

Diversification des mécanismes de fidélisation : Les employeurs peuvent développer d’autres outils de rétention (évolution de carrière, rémunération attractive, conditions de travail optimisées) complémentaires à la formation.

Optimisation de la durée des clauses : Les clauses de dédit-formation doivent être calibrées pour maximiser leur efficacité dissuasive tout en respectant les principes de proportionnalité.

Cette évolution jurisprudentielle s’inscrit dans une logique de protection du salarié et de promotion de la formation professionnelle, en évitant que les investissements formatifs ne deviennent des instruments de contrainte excessive. Les employeurs doivent désormais intégrer cette limitation dans leur stratégie de gestion des ressources humaines

Réforme du Suivi Médical Renforcé au 1er Octobre 2025

Suivi individuel médical renforcé

À compter du 1er octobre 2025, certains salariés ne sont plus soumis au suivi individuel renforcé de leur état de santé. Cette évolution majeure, introduite par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025, concerne spécifiquement les travailleurs dont le poste requiert une autorisation de conduite ou une habilitation électrique, à condition qu’ils ne soient pas exposés à d’autres risques particuliers justifiant le maintien dans ce dispositif.

 

Le suivi médical en santé au travail vise à prévenir toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail. Il s’adapte en fonction des risques liés au poste. Avant cette réforme, le dispositif le plus protecteur était le Suivi Individuel Renforcé (SIR), qui a succédé à l’ancien Suivi Médical Renforcé (SMR) suite à la loi du 8 août 2016.

Les objectifs historiques du Suivi Médical Renforcé

Le SIR a été conçu pour les salariés affectés à des postes présentant des risques particulièrement élevés pour leur santé ou leur sécurité, ou pour celles de tiers. Son cadre légal, antérieur à la réforme, imposait un suivi strict :

  • Un examen médical d’aptitude réalisé par le médecin du travail avant l’affectation au poste.
  • Une périodicité maximale de 4 ans entre deux examens médicaux, avec une visite intermédiaire effectuée par un professionnel de santé au plus tard 2 ans après la visite avec le médecin du travail.
  • La délivrance d’un avis d’aptitude, document indispensable pour que l’employeur puisse maintenir le salarié à son poste à risque.

Ce dispositif concernait notamment les travailleurs exposés à des agents chimiques dangereux (amiante, plomb, agents CMR), à certains risques physiques (rayonnements ionisants, risque hyperbare) ou à des risques de chutes de hauteur lors de montages d’échafaudages. Y étaient également inclus les salariés nécessitant une habilitation électrique ou une autorisation de conduite, catégorie désormais au cœur de la nouvelle réforme.

Décryptage du décret n° 2025-355 du 18 avril 2025

Le pivot de la réforme du suivi médical est le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025, relatif au suivi individuel de l’état de santé des travailleurs ainsi qu’à l’autorisation de conduite et aux habilitations électriques. Ce texte réglementaire, publié au Journal Officiel le 19 avril 2025, fixe les nouvelles règles applicables à compter du 1er octobre 2025.

Son objectif est d’optimiser les ressources médicales en santé au travail en concentrant le Suivi Individuel Renforcé (SIR) sur les salariés les plus exposés, tout en adaptant les modalités de suivi pour d’autres catégories de travailleurs.

Les nouvelles dispositions juridiques

La mesure centrale du décret est de sortir certaines catégories de salariés du champ du SIR. Pour ces travailleurs, l’avis d’aptitude périodique est remplacé par un nouveau document : une attestation d’absence de contre-indications médicales.

Caractéristiques de la nouvelle attestation :

  • Délivrance : Elle est établie par le médecin du travail à l’issue d’un examen médical spécifique.
  • Validité : Sa durée de validité est fixée à cinq ans, allongeant considérablement l’échéance par rapport à l’ancien SIR (qui imposait un renouvellement tous les quatre ans maximum).
  • Formalisme : Les modèles précis de cette attestation sont fixés par un arrêté complémentaire, l’arrêté du 26 septembre 2025, garantissant une harmonisation des pratiques.

En cas de refus de délivrance de cette attestation par le médecin du travail, le décret prévoit une voie de recours. L’employeur ou le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes, qui statue selon une procédure accélérée.

Articles du Code du travail impactés

Le décret modifie directement plusieurs articles clés du Code du travail pour intégrer ce nouveau dispositif. Les principaux articles concernés sont ceux régissant l’autorisation de conduite et l’habilitation électrique.

Article modifié Objet de la modification Nouveau régime au 1er octobre 2025
Article R. 4323-56 Autorisation de conduite pour certains équipements de travail (grues, chariots, PEMP, etc.). La délivrance de l’autorisation de conduite par l’employeur est désormais subordonnée à la présentation par le salarié de l’attestation quinquennale d’absence de contre-indications.
Article R. 4544-9 Habilitation pour les opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage. L’habilitation du travailleur par l’employeur est conditionnée à la détention de cette même attestation médicale.
Obligation de l’employeur Détails et références
Vérification Avant de délivrer une autorisation de conduite ou une habilitation électrique, l’employeur doit s’assurer que le salarié détient une attestation en cours de validité.
Conservation L’employeur doit conserver une copie de l’attestation. Ce document doit être tenu à la disposition de l’inspection du travail et des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale.
Suivi des échéances Il incombe à l’employeur de suivre la date d’expiration de chaque attestation (cinq ans après sa délivrance) pour s’assurer que le salarié effectue un nouvel examen médical avant l’échéance.

Ces modifications créent une distinction nette : l’aptitude au poste, évaluée dans le cadre général du suivi médical, et l’absence de contre-indication à une tâche spécifique (conduire ou réaliser des opérations électriques), validée par cette nouvelle attestation.

Période transitoire et portée de la réforme

Le décret organise une transition pour les salariés déjà suivis en SIR. Les avis d’aptitude délivrés avant le 1er octobre 2025 restent valables et tiennent lieu d’attestation jusqu’à leur date d’échéance, dans une limite maximale de cinq ans après leur délivrance. Cette mesure permet une mise en place progressive de la réforme sans remettre en cause immédiatement les suivis en cours.

La portée du décret est donc ciblée : il ne supprime pas le SIR, mais le réserve aux postes présentant des risques avérés autres que la seule nécessité d’une autorisation de conduite ou d’une habilitation électrique. Les salariés exposés à des agents chimiques dangereux (CMR), au risque hyperbare ou à l’amiante, par exemple, demeurent sous le régime du Suivi Individuel Renforcé classique.

Catégories de salariés désormais exonérées

 

À compter du 1er octobre 2025, le Suivi Individuel Renforcé (SIR) n’est plus systématique pour deux grandes catégories de salariés, à condition que leur poste n’implique pas d’autres risques spécifiques justifiant ce régime (comme l’exposition à l’amiante ou aux agents CMR). La réforme cible précisément les travailleurs dont les missions exigent une autorisation de conduite ou une habilitation électrique.

L’objectif de cette mesure, introduite par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025, est de réallouer les ressources de la médecine du travail vers les risques les plus élevés, en considérant que pour ces deux catégories, un examen initial approfondi est plus pertinent qu’un suivi périodique intensif.

Salariés nécessitant une autorisation de conduite

La première catégorie de salariés sortant du SIR regroupe tous ceux dont la mission impose la conduite d’équipements de travail mobiles automoteurs et d’équipements de levage. Pour ces postes, l’employeur doit délivrer une autorisation de conduite, qui sera désormais conditionnée par la présentation d’une attestation quinquennale d’absence de contre-indications médicales.

Équipements de travail concernés :

Cette exemption concerne une large gamme d’engins couramment utilisés dans des secteurs comme le BTP, la logistique, l’industrie ou l’événementiel. La liste inclut notamment :

  • Les chariots automoteurs de manutention à conducteur porté (par exemple, les chariots élévateurs de type CACES® R489).
  • Les Plates-formes Élévatrices Mobiles de Personnes (PEMP), aussi connues sous le nom de nacelles (CACES® R486).
  • Les grues mobiles (CACES® R483) et les grues à tour (CACES® R487).
  • Les engins de chantier télécommandés ou à conducteur porté (CACES® R482), comme les pelles hydrauliques, les chargeuses ou les bouteurs.
  • Les ponts roulants et portiques.

Il est important de noter que cette exemption ne s’applique pas aux tracteurs agricoles et forestiers, qui suivent leur propre réglementation. Pour tous les autres équipements listés, le suivi périodique renforcé est remplacé par l’examen unique aboutissant à l’attestation valable cinq ans.

Salariés titulaires d’une habilitation électrique

La seconde catégorie de salariés exonérés du SIR est celle des travailleurs qui doivent être titulaires d’une habilitation électrique pour effectuer leurs missions en toute sécurité. L’habilitation, délivrée par l’employeur, reconnaît la capacité d’un salarié à accomplir des tâches d’ordre électrique ou non électrique dans un environnement à risque électrique.

Opérations électriques visées par l’exemption :

Le décret cible spécifiquement les salariés habilités pour réaliser des opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage, comme défini par le Code du travail.

  • Travaux sous tension : Il s’agit des opérations où le travailleur entre en contact direct avec des pièces nues sous tension.
  • Travaux au voisinage de pièces nues sous tension : Ces opérations sont réalisées dans une zone où le risque de contact accidentel avec une pièce sous tension est élevé.

Pour ces salariés, l’habilitation délivrée par l’employeur sera, elle aussi, conditionnée par la présentation de l’attestation médicale d’absence de contre-indications, valable cinq ans. Cela concerne un grand nombre de professionnels, des électriciens de maintenance aux techniciens intervenant sur des réseaux ou des armoires électriques.

En résumé, si le seul risque particulier justifiant le SIR pour un salarié était la nécessité de conduire un engin ou d’être habilité électriquement, ce salarié basculera automatiquement vers un suivi adapté (SIA) au 1er octobre 2025, avec l’obligation de détenir l’attestation médicale adéquate.

Nouvelles obligations et attestation médicale

La réforme du 1er octobre 2025 remplace le Suivi Individuel Renforcé (SIR) pour certains salariés par un dispositif plus souple : une attestation d’absence de contre-indications médicales. Ce nouveau document, au cœur du décret n° 2025-355, modifie en profondeur les obligations de suivi pour les employeurs et les salariés concernés.

Ce système vise à certifier la capacité médicale d’un travailleur à effectuer des tâches spécifiques (conduite ou habilitation électrique) via un examen unique, dont la validité est étendue à cinq ans.

La procédure de délivrance de l’attestation

L’obtention de cette attestation suit un parcours médical et administratif précis, initié avant l’affectation du salarié à un poste nécessitant une autorisation de conduite ou une habilitation électrique.

L’examen médical par le médecin du travail

Le point de départ est un examen médical réalisé exclusivement par le médecin du travail. Contrairement aux visites périodiques du SIR, cet examen a pour unique objectif de vérifier l’absence de conditions médicales incompatibles avec les tâches de conduite ou les opérations électriques visées.Le médecin du travail évalue l’aptitude du salarié en se basant sur les risques spécifiques de la fonction. À l’issue de cet examen, il délivre l’attestation au salarié.

Le formalisme de l’attestation

Pour garantir l’uniformité sur le territoire national, le contenu et le format de ce document sont strictement encadrés. L’arrêté du 26 septembre 2025 a fixé les modèles officiels que les services de prévention et de santé au travail doivent utiliser.L’attestation doit notamment mentionner :

  • L’identité du salarié et du médecin du travail.
  • La nature de la tâche visée (conduite d’équipements spécifiques ou habilitation électrique).
  • La confirmation de l’absence de contre-indications médicales.
  • Sa date de délivrance et sa durée de validité de cinq ans.

Obligations de l’employeur : conservation et suivi

 

Avec ce nouveau dispositif, les responsabilités de l’employeur évoluent. Il n’est plus question de s’assurer du renouvellement d’un avis d’aptitude tous les quatre ans, mais de gérer la validité de cette nouvelle attestation quinquennale.

Que faire en cas de refus de délivrance ?

Si le médecin du travail estime qu’il existe une contre-indication et refuse de délivrer l’attestation, le salarié ne peut pas être affecté au poste concerné. Le décret prévoit une procédure de contestation pour l’employeur ou le salarié.La partie qui souhaite contester la décision du médecin du travail peut saisir le conseil de prud’hommes. Celui-ci statue en urgence selon une procédure accélérée pour confirmer ou infirmer la décision médicale.

 

En sortant ces catégories du SIR, l’objectif est de permettre aux médecins du travail de concentrer leur temps et leur expertise sur la prévention primaire et le suivi des salariés exposés à des risques jugés plus complexes ou plus lourds, comme les agents chimiques dangereux (CMR), l’amiante ou le risque hyperbare. La réforme vise donc un meilleur ciblage du suivi en fonction de la nature réelle des risques professionnels.

Opportunités : quels avantages pour les entreprises et les salariés ?

Cet allègement procédural génère des bénéfices notables, tant pour les employeurs que pour les travailleurs concernés, bien qu’il appelle également à une certaine vigilance.

Pour les entreprises :

  • Simplification administrative : Le passage d’un suivi périodique (tous les 4 ans maximum) à une attestation valable cinq ans réduit la charge de planification et de suivi des visites médicales.
  • Optimisation du temps de travail : Moins de visites médicales obligatoires signifie moins d’absences des salariés pour ce motif, optimisant ainsi le temps de production.
  • Recentrage sur la prévention : Les services de santé au travail, plus disponibles, peuvent renforcer leurs actions de prévention directement en entreprise (études de poste, sensibilisation, etc.), en cohérence avec l’évaluation des risques.

Pour les salariés :

  • Moins de contraintes : La fréquence réduite des examens médicaux obligatoires allège l’emploi du temps des salariés concernés.
  • Une vigilance accrue sur l’aptitude : La réforme crée une distinction entre l’aptitude générale au poste de travail et l’absence de contre-indication à une fonction précise. Cela peut soulever des questions sur la gestion de l’aptitude globale d’un salarié en cas de problème de santé survenant entre deux échéances quinquennales, un point qui nécessitera un dialogue attentif avec le service de santé au travail.

Pour les employeurs, cette transition implique une adaptation des processus de suivi et une vigilance accrue sur la gestion des nouvelles attestations.